UNE AUTRE CONVERSATION INTERESSANTE AVEC MA PATIENTE.

J’ ai revu dans mon cabinet de consultation cette semaine une de mes patientes qui avait décidé, voila des mois de cela, de retourner dans son Etat natal de l’Ohio qu’elle avait laissé  pour la Floride, et ou  elle vivait depuis quelques trois ou quatre ans. Avant de quitter la Floride l’été dernier et de rentrer au bercail, elle se souvenait toujours de la vie intense et joyeuse qu’elle avait connue du temps qu’elle vivait dans l’Ohio et s’inclinait toujours à croire que la vie était plus belle la –bas dans la vallée ;  qu’au mieux, ce qui en restait encore, était bien plus  attrayant que la vie terne et lugubre qu’elle vivait ici en Floride. En ce temps-la, nous dit-elle, elle venait tout juste  de boucler son cycle d’études  a l’une des Universités de la place. Les amis l’assaillirent de partout. Les copains l’invitèrent souvent a sortir et a diner, et elle semblait avoir le monde a ses pieds. Pourtant, voila que des mois  a peine écoulés, elle n’en voulait plus du rêve  qu’elle caressait de toujours, et qu’elle a du prendre ses jambes a son cou pour retourner vivre sa vie normale, la réalité qu’elle avait pourtant fuie, pour le rêve qu’elle pourchassait. En retournant  là-bas, elle avait  pu réaliser que  rien n’était plus pareil. Les amies n’étaient plus aussi disponibles qu’avant. Certaines avaient conçu  des enfants dont elles devaient prendre soin. D’autres retournaient a peine ses appels réitérés. Les courtisans n’étaient pas aussi intéressés et obligeants qu’avant, et mêmes les parents ne démontraient plus  envers elle la même mansuétude  qu’ils lui vouèrent autrefois. Elle voulait comprendre comment tout avait  pu changer si drastiquement et pourquoi elle, elle rêvait encore d’un temps qui avait fait son temps. Habilement, elle laissa glisser sa déception du rêve qui s’était mué en cauchemar et du réveil brutal que la réalité avait fini par lui imposer. 

Nous sommes souvent  pris, a un temps ou a un autre de notre vie, dans cet « entre-deux », cet imbroglio  et a  cette croisée de chemins  ou le poids  du passé, comme une ritournelle, continue de peser sur nos choix, et nous empêche d’avancer en besogne..Il faut souvent dans ces cas un traitement de choc pour nous réveiller de notre torpeur et nous forcer a prendre conscience de ce qu’il en est.  Tout en l’écoutant attentivement, je l’ ai aidée a comprendre que la nature a horreur du vide ; qu’ elle s’arrange toujours  pour racoler les morceaux  chaque fois qu’un maillon de la chaine se trouve rompu , et qu’ elle possède , cette nature, « des mains des plus habiles pour décorer son monde. » Je lui ai dit que les amis, comme ses parents,  ont du trouver d’autres moyens pour combler le vide de son départ. Et qu’a mesure  que les jours s’écoulèrent, elle disparaissait graduellement de leur mémoire telle une ombre évanescente. Souvent nous espérons  des autres qu’ils nous attendent  jusqu’au retour, si retour il  y en aura ; Nous les traitons comme s’ils étaient nos biens prives, oubliant qu’ eux aussi, ils ont des besoins aussi pressants que les nôtres a combler.                         Apres m’avoir écouté  quelques minutes, Elle me dit péremptoirement  qu’ elle allait  désormais garder  les pieds sur terre, et cesser  de rêver pour embrasser la réalité. Je lui demandais de vivre au temps présent, d’en faire bon et plein  usage, de se servir des leçons du passé pour mieux appréhender l’avenir. Et surtout de ne pas se laisser empêtrer dans cette nostalgie, retro- mirage qui  paralyse les efforts  et obnubile l’horizon.

Je me séparai de ma patiente en lui donnant rendez-vous a  la plus prochaine fois, mais sans oublier de  lui rappeler cette phrase apprise plus d’ un quart de siècle, et énoncée par mon ancien professeur de philosophie, le Docteur Douyon, à savoir que « l’on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ».En effet, aussitôt que nous passe de travers le grand fleuve de la vie, ses molécules se désintègrent et se réassocient  dans le grand courant qui nous charrie, et tout avec  nous, vers le néant «  sans fin ». Gare  a nous de croire que les amis et les parents, les adulations  et les honneurs, les promesses de loyauté dureront  toujours .Tout est limite dans le temps. Certains supports paraissent durer bien longuement alors que d’autres  ne  vivent que ce que  vivent les roses : L’espace d’un matin. Soyons intelligents !!!
Rony Jean-Mary, M.D.
Coral Springs,Fl.2/18/18

 

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