CES CONFIDENCES DE MES PATIENTS QUI ME DERANGENT.
Rony Jean-Mary, M.D.

A l’instar  de certaines professions comme la prêtrise et le droit, et contrairement a bien d’autres professions, la pratique de la médecine requiert  que  soit maintenu  un secret absolu autour de la conversation ayant lieu entre le médecin et le patient. Cela est d’autant plus vrai pour la psychiatrie que  rien ne doit être porté  au grand jour ni  dévoilé  sauf   dans des cas extrêmes. En effet, les rares  cas  ou cette confidentialité ne peut être maintenue se rapportent surtout au danger que peut encourir une tierce personne ou l’intéresse lui-même, en  l’occurrence le patient. S’il  est soupçonné ou avéré qu’un patient a en tête  de faire du mal a quelqu’un  ou de causer  du  tort a la société, on peut bien être forcé dans ces cas- la  de faire appel  aux autorités compétentes  pour  protéger ou bien le patient lui-même ou tout autre bien ou personne faisant l’objet d’une quelconque menace de la part de ce dernier.Le prêtre et le psychiatre sont les seuls professionnels qui ne puissent  être contraints par un juge de dévoiler le contenu d’une conversation avec un patient ou un membre d’une quelconque congrégation. Quoique lié au patient par le sceau du secret, cela  n’empêche  cependant que le psychiatre soit passible des plus graves peines s’il enfreint les lois  en rapport avec sa profession. La différence entre confidentialité  et secret  est dans le fait qu’une confidence est plus personnelle et intime alors que le secret ne l’est pas. La confidence est de personne a personne alors que le secret peut être connu ou partage entre plus d’un..Un secret est quelque chose qui est maintenu cache alors qu’une confidence est une chose ou affaire destinée a être gardée secrète et qui ne doit pas être divulguée. A travers la longue carrière de tout médecin pratiquant, des gens viendront  plus d’ une fois lui  faire des aveux  et lui confier des secrets. Et la manière dont on gère ces « propos passés de bouche a oreille » est souvent une  mesure du caractère du médecin traitant. Car il y a souvent un hic a casser, un bats qui blesse quelque part. Il faut reconnaitre qu’il  y a certains  cas ou le psychiatre, en tant que dépositaire d’un secret a lui confie par le patient, aurait préféré ne pas en être au courant tellement il peut être bouleversé  par la nature de la révélation que lui a faite le patient.                                                                                                                     Imaginez –vous  un instant combien j’ai du tourner ma langue dans ma bouche pour éviter de dire la vérité a cet homme qui me demandait pourquoi sa femme est tellement déprimée qu’elle a du tenter  de se suicider. Cette femme venait tout justement de me confier que son patron au travail veut la coucher a chaque fois qu’elle arrive au travail , qu’ elle en avait  assez des harcèlements du patron et qu’elle voulait  désormais rester fidele a son mari. Sitôt le mari rentré  dans la salle ce jour- la, j’ai  du changer tout de go la conversation. L’autre jour, c’est cette femme qui vient a moi tout en pleurant me demandant ce qu’elle doit faire puisqu’elle aime son mari et qu’elle se sent coupable de la liaison extra conjugale qu’elle entretient avec un homme  de son lieu de  travail  depuis plus de trois mois. Elle ne veut pas quitter son époux et craint qu’en lui dévoilant le secret, il ne vienne a l’abandonner a cause de son infidélité. Quand je lui demandais  si elle comptait passer a l’aveu et tout dire  a son mari, elle me répondit que non. Vous comprendrez  alors ma stupéfaction de devoir accepter qu’elle continue   son infidélité  sous le sceau du secret et de ne pas en parler a son mari. j’espère qu’elle n’interprétera pas mon silence comme un signe d’approbation ou de réprobation  de sa conduite.   Mon dernier patient a  du mal a dormir la nuit  et a entrer en intimité avec sa femme depuis la mort récente  de son ancien pasteur qui l’avait molesté  et abusé  sexuellement voila de cela quelques années. Il ne pouvait pas digérer tout ce concert  d’éloges  qui pleuvaient  sur les dépouilles de cet homme que tout le monde prenait pour un ange ou un saint homme alors qu’il lui avait causé  du tort pendant si longtemps. Quand Je l’encourageais a dévoiler a sa femme les tourments internes et profonds auxquels il était assujetti depuis la mort de son bourreau, il refusa catégoriquement de chercher refuge au près de sa femme  arguant que celle-ci serait trop critique envers lui et cesserait de le considérer comme un vrai homme si jamais elle savait qu’un autre homme l’avait touché  ou molesté. Dans chacun de ces cas, il était normal que je laisse le patient décider de lui-même ce qui convient le mieux a ses intérêts.                                                     

La vérité, la confidentialité  et l’intérêt supérieur du patient ne font pas toujours bon ménage. Le point le plus saillant du traitement est de porter le patient a prendre conscience de ce qu’il fait ,donc de son état et de lui accorder tout le temps qu’il faut pour prendre la bonne décision au moment opportun. Cela,  aussi  longtemps qu’il est lucide et encore doté   de capacité  décisionnelle.  Nous sommes tenus de servir et de protéger nos patients sans nous installer en juge sur les actes qu’ils posent et sur  leur conscience. Notre seule tache  est de les accompagner le plus longuement possible,  sans les brusquer, jusqu’à ce qu’ils puissent prendre d’eux- mêmes les décisions importantes a leur vie. Tandis qu’ils continuent de nous  juger dignes de leur confiance, ils apprécieront encore mieux que nous nous positionnions  en retrait et leur laissions  tout le loisir dont ils ont besoin pour faire en toute indépendance les décisions qui s’imposent.

 

Rony Jean-Mary, M.D.
Coral Springs, Florida.
Le 4 mars 2018