LA MEDECINE ET LA PRETRISE,
CES PROFESSIONS DANS LA VOIE DU SACERDOCE.
Rony Jean-Mary, M.D.

Un prêtre est venu se décharger  l’autre jour  du lourd  bagage qui l’étouffait depuis quelques années. Dans le recueillement et le silence de mon cabinet de consultation, il m’a fait part du récit triste et  accablant des décès à répétition de membres de sa famille qui ont expiré ces derniers mois.   Il s’est réveillé de grand matin pour se sentir découragé, désespéré sans plus de désir de continuer à vivre. Il voulait se donner la mort. Il luttait contre la dépression depuis plusieurs années, à la suite de la mort de sa sœur cadette, et a vu son deuil se prolonger quand son neveu de  50 ans devait mourir de leucémie  quelques mois plus tard. Il était très proche de ce dernier. Il a bien quatre- vingt six ans , l’âge ou le corps chancelant, plus tremblant sous le poids des ans, a de plus en plus de mal  a gérer et  a  digérer les pertes  émotionnelles, les séparations et les départs imprévus   J’ai toujours été friand des bonnes conversations  qui en appellent a l’intelligence des gens. Et j’apprends tous les jours à mieux vivre  en me mettant à l’écoute des autres. Alors, une fois la prise de l’histoire psychiatrique et l’examen mental terminés, je me tournais vers lui pour lui demander s’il referait le choix de la prêtrise, si jamais il avait à le refaire ? Il me donna un oui catégorique  et avança très fièrement qu’il n’a rien regretté  du temps passé  a servir Dieu  et ses prochains..     Quand il devint prêtre, il avait 28 ans ; il  prit sa retraite voila plus de cinq  5 ans après une cinquantaine d’années de service religieux. Il m‘apprit ensuite qu’il passa deux années  à étudier la médecine avant de réaliser qu’il avait un penchant pour la prêtrise et abandonna son premier choix.

Comme Pierre jetant le filet sur le sable pour suivre Jésus, et passant de pêcheur de Poisson a pêcheur d’homme, il  abdiqua  la blouse et le stéthoscope pour embrasser  la bible et  la soutane.

Etrange de  volte  de face et de métamorphose me disais-je bien, car j’ai vu des prêtres se convertir en médecins, des pasteurs, des sœurs religieuses devenir infirmiers, infirmières, mais pas souvent le contraire. Je reconnais bien qu’il y a toujours eu des points de jonction entre les deux professions ; La pratique de l’une comme de l’autre exigeant bien  un engouement pour le sacerdoce. D’ailleurs les hôpitaux, à cote des églises, servaient toujours d’enclaves ou les deux fonctions se coudoyaient et se juxtaposaient pour mieux servir les souffrants et les mourants.Dans nos hôpitaux d’autrefois, en appui à la science médicale, desservie avec désintéressement  par les médecins, sous l’égide suprême de la déontologie, les religieux priaient encore pour les patients et coordonnaient le service à la cuisine et à la pharmacie.  Je  suggérais a ‘’mon père ‘ qu’il aurait pu servir avec autant de ferveur et d’amour  en étant médecin au chevet de ses patients qu’en allant se faire prêtre ; Je lui parlais de Saint Luc, médecin de son état, et qui fut aussi disciple de Jésus Christ.  Mais Lui, pourtant, il en  voyait les choses autrement. Nous tombions tout de go dans ce qui était, et ce qui devrait être la fonction du médecin par rapport à celle du religieux. C’était exactement  la que je voulais en venir avec lui.                Pour lui la médecine a bien perdu de sa vocation première, que de fonction charitable et sacerdotale, elle s’est transformée en entreprise a vocation profitable ; que l’appât du gain est devenu son unique sinon son plus grand motif. J’ai du en disconvenir, respectueusement d’ailleurs, pour expliquer au prêtre que les dettes énormes encourues par l’étudiant pour acquérir la connaissance médicale, le laissent avec une charge exorbitante qu’il traine toute sa vie avec lui, alors que le séminariste est souvent hébergé aux frais de la princesse

J’entendais dire par la que le séminariste est  sous la responsabilité de la congrégation, n’ayant rien à payer en retour  pour ses études. J’indexais aussi le fait qu’a un degré moindre pour le pasteur bien entendu, la réputation du prêtre s’est aussi vachement ternie  dans les scandales a répétition que l’église catholique a connus au cours de ces vingt dernières années.

Je lui ai aussi parlé de ces prêtres et autres religieux, y compris des pasteurs, qui se sont enrichis des dons destinés aux plus plus faibles et aux démunis.

Il admettait bien qu’il existe partout des éléments marginaux qui nuisent par leur comportement a la bonne réputation de la profession ; que le scandale  arrivera  toujours mais que malheur sera  a celui par qui il arrive.

Nous admettions ensemble, au bout de la conversation, que la prêtrise comme  la médecine d’ailleurs, restent des voies royales de service a la communauté ;  que les  règles imposées a chacune d’elles sont des garde fours incontournables pour se préserver des tentations  auxquelles nous expose le besoin d’une vie riche et aisée.

Il était franc et honnête, capable d’accepter que l’imperfection est en tout et  partout, que le besoin de se dépasser est un travail constant de tous les  jours.

Il ajouta  alors  qu’il est du devoir de chaque individu de se  purifier des tentations de la vie facile que le métier semble parfois offrir ; de se rappeler, prêtre, pasteur ou médecin, la raison première qui avait motivé  le choix de profession qu’on avait fait ; d’éviter de se laisser souiller par les scandales qui enlisent la progression de nos actions.

Nous nous séparions pour la journée non sans avoir compris que si le corps physique et mental du patient recourent souvent  a la médecine pour se guérir, c’est a la sagesse et a la compassion du religieux qu’ il va toujours se référer dans les moments noirs et ténébreux qui ponctuent son existence..

Rony Jean-Mary, M.D.                                                                                                          Coral Springs, FL .
Le 11 Novembre 2018

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