ENTRE REGRETS, HESITATIONS ET INSATISFACTIONS:

Une femme Septuagénaire est venue me voir  à mon cabinet de consultation l’autre jour. Elle cherchait à renouveler sa potion mensuelle d’anti-déprimants et d’anxiolytiques. Plutôt que de parler de l’efficacité  des médicaments ou de leurs effets  secondaires sur le traitement que nous suivons ensemble, elle semblait avoir du mal à se déplacer de mon carré, cherchant coute que coute à se décharger de je ne sais quoi. Je l’ai alors invitée à se rasseoir et à rester  un peu plus longtemps. Je me suis souvenu aussitôt que  d’habitude les patients viennent chercher bien plus qu’une ration mensuelle de médicaments mais que derrière l’intérêt principal se cachent souvent d’autres motifs inavoués qu’il revient à tout bon médecin de pouvoir déceler.

En général, les patients vont chez le médecin pour  être rassurés des maux qui les rongent tant sur le plan physique que sur le plan moral et au plan mental. La vieille dame  m’a dit qu’elle est très effrayée pour l’avenir de ses petites filles car elle ne voudrait pas qu’elles prennent la route qu’elle avait elle même choisie du temps de sa jeunesse.

Elle m’apprit tout de go qu’elle a grandi dans les années soixante et avait mené une vie de libertinage presque sans pareille, qu’elle était une jeune rebelle qui n’hésitait a briser aucun tabou sociétal  mais que, plus tard dans la vie, elle avait fini par  trouver Dieu, par tout changer et par se faire une nouvelle vie. Malgré le nombre d’années qui se sont succédées depuis cette époque fébrile d’activités et de revendications de toutes sortes, et que les sociologues appellent de bon droit « the American dilemma ou le dilemme Américain », elle n’arrive pas a se défaire de son passe qu’elle voudrait éviter autant que possible. Elle n’oserait même pas dire à ses deux filles la vraie personne qu’elle était de peur d’être jugée par elles.

Je l’ai écoutée avec une grande affection car je savais bien qu’elle cherchait une chose introuvable. Chacun a quelque chose dans son passe qu’il aimerait corriger ou effacer. Notre vie oscille  souvent entre regrets, tergiversations et larmoiements. Nous nous jugeons souvent a posteriori ,oubliant qu’il n’y a pas de bon ou de mauvais choix dans la vie et que le seul vrai choix est celui qui mène a la réussite. Tel homme choisit  une voie et réussit admirablement; un autre en vient à faire les mêmes choix de voies et moyens  et échoue lamentablement. C’est comme être parent, on sait qu’on a fait un bon travail seulement si les enfants réussissent dans la vie. .En effet, lors même que l’on aurait toute la vie pour apprendre, on ne finirait jamais de maitriser un si grand Univers.. Nous sommes faits pour  commettre des erreurs et pour apprendre de nos erreurs. Quand elle m’apprit que ses deux filles ont une vie normale et un foyer stable, je lui répondis que cela aurait dû  être pour elle une vraie raison de fierté .J’ajoutais que chaque  génération  aura des problèmes à surmonter. Celle de ses  filles, comme la sienne d’ailleurs, ont bien fait la paix entre elles et avec elles-mêmes. Alors, celle de ses  petites filles, elle aussi, finira par trouver la voie appropriée. Il n’y aura pas une fin du monde. C’est notre monde  à chacun  de nous qui passera. Sur le Passé qui nous revient a chaque pas, tel une trainée de poudre emportée dans nos semelles, Il y a toujours de la place pour un regard rétrospectif ou souvent se mêlent un peu de tout : regrets, hésitations insatisfaction, joie, amour, paix etc..; Et ou parfois la mémoire du passé est si horrible qu’on voudrait la déchirer voire l’effacer. Comme quoi briser un thermomètre suffirait à faire baisser une poussée fébrile. Mais rien n’annihilera ce que nous sommes. Ce que nous sommes  c’est un être en devenir qui se refait a chaque instant, au gré du temps et des circonstances.

Apres cette riche et enrichissante  conversation, madame s’en retira  plus ou moins  allégée, soulagée, comprenant désormais qu’elle doit vivre chaque jour  essayant d’intégrer sa vie passée dans le  présent, et de tirer de ses erreurs passées les leçons indispensables a son avenir. D’ailleurs, C’est le seul moyen de faire la paix avec soi-même si l’on veut regarder l’avenir avec un brin d’optimisme.

Rony Jean-Mary,M.D.
Coral springs, Florida ,
le 11 Fevrier 2019


Return to homepage