CES MORTS QUI NE SONT PAS VRAIMENT MORTS.!!!
Un députe de la présente législature, représentant d’une commune du Nord-est d’Haïti, est porté absent de son poste depuis plus d’un mois. Les premiers bruits qui couraient avaient fait de lui un décédé. Le président de la chambre basse, à la tète d’une délégation de parlementaires, était déjà en route vers sa circonscription pour présenter les condoléances du parlement a la famille éplorée lorsque, en cours de route, on leur enjoignit de rebrousser chemin, leur faisant comprendre que le députe n’était pas mort. Quelques jours plus tard, les préparatifs allèrent déjà bon train à la chambre basse pour organiser les funérailles officielles du parlementaire quand, tout – à – coup, l’on sursit à toutes les démarches ou activités, arguant que le députe était encore vivant. A la plus récente session de la chambre des députes, soit le lundi 18 Mars dernier, son nom ne fut pas mentionné dans l’appel nominal annexé à l’ordre du jour. On a peut être fini par accepter que le député n’est plus a même d’assumer physiquement sa fonction de parlementaire a la chambre des députés ou qu’il serait finalement mort….
La grande question est de savoir si le députe est mort, vivant ou absent ?
Mais derrière cette question plutôt insolite se cache tout un tandem de faits contradictoires, de raisonnements anodins englués dans une certaine culture ou mieux une certaine mentalité qui chez nous, fait souvent passer le faux pour le vrai, et ou l’esprit de discernement et la capacité de juger en toute objectivité, sont souvent teintés d’absurdité et dénués de toute analyse cartésienne. Les premières rumeurs de mort apparente semblent être aussi vieilles que la nation. Dans les années quatre-vingt, l’hebdomadaire le Petit Samedi soir’’ mentionna en grande machette, cette terrible et célèbre histoire d’un revenant qui avait été relâché à la suite de la mort du hougan dans la cour duquel il servait .Reconnu par un proche, il fut amené chez lui ou il vécut des temps après jusqu’au jour de sa seconde mort ou vraie mort. Dépendant du milieu ou l’on vit, Les histoires sont de plus en plus persistantes au tour de revenants qui n’auraient pas été vraiment morts. A chaque décès d’un fameux hougan, il y avait toujours cette rumeur de zombis qui se seraient évadés de la cour de leur ancien maitre et qui chercheraient à regagner leur endroit de vie antérieure. Dans une veillée funèbre à laquelle j’assistais récemment, quelqu’un me parla d’un ancien chanteur mort depuis bette lurette et qui en fait, vivait encore jusqu’ à tres récemment. Cette histoire faisait hérisser tous les cheveux de ma tète, tellement j’avais du mal à y croire. Je me demandais alors à moi-même, médecin de mon état, si ma profession tel que je la pratique et tel qu’elle m’a été enseignée, ici et ailleurs, et à tous mes confrères et consœurs, avait encore dans ses entrailles quelques secrets qu’elle nous cachait..Ou mieux si notre connaissance sur la vie en général et sur la fonction des organes en particulier, était une science bien limitée ou incomplète dans son enseignement ? C’est toute notre formation de médecin qui est remise en question, tout un dilemme pour nous autres, de ne pas pouvoir détecter ou savoir si quelqu’un est vraiment mort ou non. Cela n’est pas sans conséquence sur notre statut d’autorité médicale ou sanitaire à qui devrait toujours revenir le dernier mot en matière de vie ou de décès. Nous autres médecins, nous semblons être de plus en plus détachés et peu concernés par cette réalité comme s’il suffirait de l’ignorer ou prétendre qu’elle n’existe pas pour qu’elle disparaisse.. Dans nos facultés de médecine ou sont formées, année âpres année, des dizaines voire des centaines de médecins, y a-t-il dans le cursus une section qui est réservée à l’étude du folklore et de la médecine traditionnelle ? Il faut bien reconnaitre que vivre dans une telle indifférence par rapport au milieu ambiant n’est pas sans conséquence sur la profession. D’ailleurs, c’est toujours très difficile de faire admettre que certaines maladies peuvent se déclencher subitement sous des formes brutales ou subtiles sans qu’il ’y ait besoin de symptômes annonciateurs ou de signes prémonitoires. Aussi,, on a souvent recours à toutes sortes de services parallèles, lorsque quelqu’un est malade dans la culture populaire, avant de venir frapper à la porte du médecin..Le patient et sa famille y arrivent souvent les mains vides ayant tout dépensé ailleurs, ce qui résulte en un véritable manque à gagner pour le médecin traitant..En indexe à tout cela, il y a aussi une croyance superstitieuse très forte qui veut qu’une main méchante soit cachée derrière tout ce qui est mal qui arrive à quelqu’un, même lorsque ce sont des conséquences prévisibles nées d’une ’absence ou d’une carence totale de soins préventifs. Au tout début de la maladie du Sida, dans les années 80, des hougans furent accusés à tort d’être responsables des cas de maladie suivis de mortalité que l’on observa dans la grande Anse…ils reçurent, nombreux d’entre eux, le supplice du collier. Nous vivons dans un système de sante ou la prévention est de la pure fantaisie. Des cas qui auraient pu être détectés et traités aisément ailleurs sont souvent vus comme étant une condamnation presque sans appel sauf une intervention de la providence. Dans cet univers de chaos ou la pagaille est la règle et l’ordre l’exception, chacun cherche à se dédouaner et à se déresponsabiliser. Ce n’est jamais la faute du médecin quand quelqu’un est décédé par suite de négligence médicale, ni du personnel traitant qui peut avoir commis, de bonne foi, une grave erreur médicale. D’un autre coté, C’est comme si personne n’a jamais été malade pour les gens vivant en marge des soins de santé dans certaines communautés détachées.. Rien n’est pris au sérieux. La mort elle-même est banalisée. Jusqu’où cette insouciance peut elle aller sans que la nation un jour ne s’effondre ?.Faut-il éduquer nos futurs médecins dans l’art de dissocier ce qui est une vraie pathologie de ce qui ne l’est pas. ? Comment joindre le scientifique à l’empirique et les faire marcher cote à cote ? Comment éduquer les citoyens à faire de meilleurs choix ? Ce, pour le bénéfice du plus grand nombre.
Rony Jean-Mary,M.D,
Coral springs,Florida.
le 25 Mars,2019