Le nom des habitants de nos communes
Où
S’il faut appeler un chat, un chat…
Le langage est cet instrument merveilleux qui permet d’établir un lien bidirectionnel entre une entité, physique ou spirituelle, une idée c’est-a-dire une évocation mentale et un medium pour l’exprimer et permettre de partager cette représentation intellectuelle avec l’autre. Ce langage peut être musical ou graphique. Alors, cette expression, comme par exemple dans le domaine artistique, peut offrir une variété infinie. Pour l’illustrer, nous n’avons qu’à nous référer à tous les tableaux peints à travers les siècles, dans tous les pays, utilisant le cubisme, l’impressionnisme, l’art abstrait, la peinture naïve ou autre, mais tous visant à célébrer “la femme.” Cette liberté d’expression s’étend aussi dans le domaine de la linguistique, quoique ce soit à un niveau plus limité. L’idée par exemple de faire passer un liquide de la bouche à l’estomac en passant par le pharynx et l’œsophage peut s’exprimer par les mots : avaler, boire, ingérer, etc.… Le nombre de mots exprimant une certaine entité est parfois utilisé par les linguistes pour définir les préoccupations principales d’une culture donnée. Sans prétendre être un linguiste, je peux offrir en guise d’illustration le nombre de mots décrivant l’organe génital de la femme dans notre Créole haïtien. Je laisse au lecteur le soin de les énumérer. Cependant la linguistique nous enseigne aussi que chacun de ces mots s’associe à une connotation particulière qui rend le mot unique dans sa capacité d’exprimer une idée. Bien que « entendre » et « écouter » évoquent une activité perceptive de l’ouïe, le puriste nous dira que “écouter” en fait c’est entendre en prêtant attention.
Il en est de même pour la provenance des individus qui pour une raison ou pour une autre revêt une importance particulière dans leur dossier démographique ou biographique. Est-ce une expression de patriotisme ou de chauvinisme ? Je ne saurais le dire. Cependant, il est clair que même de nos jours, l’homme du Sud des Etats Unis d’Amérique pense avoir très peu en commun avec le Yankee du Nord et n’hésite jamais a souligner son origine. Encore une fois, la raison de cet antagonisme n’est pas le focus de notre discussion. Néanmoins, au cours des ans, le puriste s’est évertué à identifier proprement les habitants de différentes régions du globe. Si par exemple, le citoyen de la France ou de l’Italie s’appelle français ou italien, par contre ceux de la Principauté de Monaco s’appellent “Monégasques” et ceux de Madagascar s’appellent “Malgaches.” Etant Haïtien, naturellement, j’ai été préoccupé pendant longtemps par l’appellation spécifique des habitants de chacun des coins et recoins de notre ile.
Je crois déjà entendre la réponse de certains de mes compatriotes qui sans aucune hésitation me diront que c’est très facile. Il suffit d’ajouter “ien” au nom de la ville ou du village et tout est réglé. N’est-ce pas qu’on dit : « Port-au-Princien,” “Gonaivien,” “Jacmélien” etc.… Mais pas si vite, je dirais. On ne dit pas “Capiens” ou “Petionvillien.” Bah ! Diront-ils. Qu’à cela ne tienne ! C’est ou bien “ien” ou “ois.” Nous savons que c’est Capois et Pétionvillois. Ah ! Ah ! Et ceux de Léogane ? Diront-ils, les noms se terminent toujours en “ien”, “ois”, ou “ais.” Ainsi, on a résolu le problème des Léoganais et des Ranquittais. Et le tour est joué ! Mais pas si vite, les adjectifs en “iens” (30%), ceux en “ois” (31%) et ceux en “ais” (24%) ne représentent en tout que 85% des noms des différents citadins ou villageois d’Haïti. Pour le reste, il faut faire appel au latin pour savoir que Croix vient de Crus, Crucis, que Plaine vient de Campus, Campi et Plaisance de Placere (plaire). Alors on saura que l’habitant de la Croix des Bouquets est un “Crucien,” que celui de la Plaine-du-Nord est un Campinordais et que celui de Plaisance est un Placentin. Dans d’autres cas, il faut évoquer le passé historique de la commune pour comprendre par exemple que Fort-Liberté, du temps de la colonie, s’appelait “Fort-Dauphin”, de sorte que nonobstant que la guerre de l’indépendance a été gagnée par nos aïeux en 1804, l’habitant de Fort-liberté est encore un Fort-Dauphinois. Un anachronisme qui n’est pas sans me rappeler que jusqu’en 1904, l’on jouait encore la Marseillaise à l’occasion des fêtes officielles du gouvernement ! Pour le reste, il me semble que les géographes se sont assis un jour autour d’une bouteille de Barbancourt ou de « bois-cochon » et après plusieurs coups, ils ont laissé libre cours à leur imagination. L’individu qui a eu la chance ou le malheur de naitre à Anse- à -Foleur est un Anse- à -Folois. Si on est né à Bonbon, on est un Bonbonnais. Je me suis demandé pourquoi pas un Bonbon. Fort heureusement, le citoyen de Moron a été baptisé un Moronnais… Ils n’ont pas cependant fait la différence entre les habitants de Saint-Louis du Nord et Saint-Louis du Sud, puisqu’ils s’appellent tous Saint-Louisiens. Cependant mon favori est le suivant : l’habitant de Grand Gosier est un … Pelicanais. Cette découverte m’a valu un éclat de rire bien sonore. Je connais très bien notre oiseau marin portant ce nom, mais tout de même… Pelicanais ! Cette quête s’est avérée plutôt compliquée, certainement plus compliquée que notre Créole ou le problème peut se résoudre si facilement par l’expression “muon” suivi du nom de la ville : moun okap, moun senmak, moun tigwav, etc.’ Mais le français n’est-il pas plus imagé !
Au hasard de ma mémoire, je rappellerai aux intéressés que Fabre Nicolas Geffrard était un Ansa-Velais, Louis Jean-Jacques Acaau était un Aquinois, le colonel Demosthene Calixte un Fort-Dauphinois, Dumarsais Estimé un Verrettien, Benoit Batraville un Mirebalaisien, Othello Bayard un Cayen, le général Léon Cantave un Maissadien et le Dr. Guy Theodore un Pignonnais.
Nous attachons ci-après la liste exhaustive de toutes communes d’Haïti et le nom de leurs habitants, pour que désormais nul ne l’ignore.
Louis J Auguste, MD, FACS
Surgical Oncology/General Surgery
Associate Clinical Professor of Surgery
Hofstra North Shore/LIJ School of Medicine
President/ LIJ Staff Society