QU’EST-CE QUE NOUS VOULONS VRAIMENT EN TANT QUE PEUPLE ?
POURQUOI BRULER LES AMBULANCES ET SACCAGER LES HOPITAUX.
J’ai eu bien du mal à trouver cette semaine un sujet qui intéresserait tout le monde et ferait l’unanimité au près de nos chers lecteurs. Au fil du quotidien, aussitôt qu’un un sujet est monté sur le tapis et semble occuper le devant de la scène, déjà en vient un autre qui le détrône pour se voir à son tour relégué au second plan l’instant d’après..j’ai pensé à l’actualité en Haïti où, depuis des semaines, chacun reste inflexible sur sa position et semble s’arc-bouter en mode stand still, attendant que le camp d’en face finisse par bouger ,et qu’on puisse crier victoire de son coté. L’école n’a pas rouvert ses portes et est restée fermée sans qu’on ne sache pour combien de temps. La rentrée des tribunaux généralement fixée au deuxième lundi d’octobre, n’a pas eu lieu cette année. Et les édifices publics sont nettement paralysés. ’L’économie est en chute libre et l’inflation, aux dernier barreaux, a été estimée à 19.5 %.Il ne semble y avoir aucun dénouement en perspective. Dans ce bras de fer qui nous renvoie à 1986 et à 2004, et dont beaucoup peuvent encore se souvenir, on commence à se dire peut- être à quoi bon continuer à marcher et à protester puisque rien de tangible n’a été enregistré au cours des trente cinq dernières années, depuis que nous défilons dans les rues, marchant et protestant. A première vue, admettre que 1986 et 2004 ont échoué est une dure réalité à la quelle on semble devoir s’accoutumer. La récolte des fruits n’a tout simplement pas répondu à la promesse des fleurs. La seule différence est dans le fait qu’en 1986, la lutte était au tour d’un régime politique vétuste qui avait fait son temps et qu’on cherchait à déraciner à tout prix pour rentrer et vivre sous une ère de modernité , et plus digne de l’humain que nous sommes. La censure brutale, les disparitions et les emprisonnements prolongés, tous symboles de la dictature, en un jour étaient balayés d’un revers de main. Mais il n’y avait aucun projet de société viable, à même de transformer les mentalités et d’offrir à la fois un modus vivendi et un modus operandi différents de ceux auxquels on était habitué jusque-là. Ceux –là mêmes qui prônaient le changement, mais qui n’avaient aucune pratique du pouvoir pour avoir été trop longtemps en dehors du giron des affaires, étaient pris au dépourvu au moment de l’effondrement du régime.En 2004, Il y avait une caravane dite de changement qui n’était cependant qu’une stratégie montée de toutes pièces pour forcer le plus de gens à monter à bord. Le pouvoir donnait sa réplique et mettait aussi du monde dans les rues. Il faut dire que ce n’était guère une lutte contre un système ou contre une certaine pratique jugée rétrograde, et qui rappelait trop de mauvais souvenirs d’un temps échu pourtant encore présent a l’esprit, mais une lutte dirigée contre un seul homme, devenu du jour au lendemain, l’âne de la fable sur qui il fallait crier Haro, et abattre à tout prix. Pour beaucoup, une fois coupée la tête du poisson, on pensait pouvoir sauver le reste du corps, et jugeait que tout allait finir par rentrer dans l’ordre. C’était croire que des canards sauvages, comme par un simple coup de baguette magique, pourraient se transformer en enfants du bon Dieu. La caravane a laissé tout le monde sur sa faim. Sauf pour quelques rares d’entre ceux montés à bord, qui se sont vus décrocher des franchises douanières illimitées pour des temps indéterminés ou qui ont atterri dans des postes ministériels de seconde importance. .
Aujourd’hui, Comme par un châtiment du destin, nous en voila encore à ce carrefour de manifestations, de marches, de révolutions, et de contremarches à n’en plus finir. Cette fois –ci, la lutte est différente en ce sens qu’elle renvoie au changement de tout un système à travers un homme qui semble le personnifier. Si je résume bien, en 1986, la lutte était contre le système. Il n’y avait pas trop de haine contre Le président en personne quoique lui-même produit d’une tyrannie cleptomane et sanguinaire .
En 2004, elle était contre un homme . Et à présent elle s’attaque au système à travers l’homme qui le personnifie. Dans notre présente lutte, Ce n’est pas l’homme qu’il faut changer mais le cœur de l’Haïtien qui doit apprendre à aimer son pays, à ne pas détruire ce qui reste de patrimoine national, à ne pas investir ailleurs les maigres ressources du pays Ce qu’il faut changer, c’est le système qui laisse voler impunément, qui accorde trop de privilèges à un petit nombre de citoyens au grand mépris du reste d’entre nous, qui centralise tout, et ne laisse aucune capacité décisionnelle aux zones périphériques.Il faut un système aux yeux bandés qui laisse pencher la balance à droite ou à gauche, de quelque coté que cela tombe, mais où règnent la droiture, la justice et l’équité . On casse et on détruit non par sauvagerie ou par insouciance mais parce qu’on ne se sent pas concerné. C’est la justice qui élève une nation, Car elle porte les citoyens à croire en son destin. Les rues sont pleines à craquer et tout le monde exige que les dilapidateurs de fonds publics soient punis, qu’un exemple soit enfin tracé, pour que les générations futures tirent des leçons de ce qui se passe aujourd’hui et fassent un meilleure gestion des biens de la RES publia.
Nous reconnaissons la justesse de leur mouvement et le bienfondé de leurs arguments .Mais ils n’ont pas besoin de tout casser et de tout détruire sur leur passage. Les casses qui ont eu lieu à l’hôpital général des cayes cette semaine les jets de pierre qui ont brisé les vitres et les fenêtres de la FHADIMAC a port-au-prince, tout comme l’incendie qui a détruit certaines ambulances en pleine exercice de leurs activités, ne sont guère rassurantes. Ce sont des actes condamnables. Les manifestants ont besoin de se rappeler qu’ils auront encore besoin de ces ambulances et de tous ces édifices qu’ils détruisent aujourd’hui, afin de mieux construire la société moderne qu’ils prétendent en appeler de toute leur force.