UNE HISTOIRE DE NOËL.

Nesly, un garçon de douze ans, était très occupé à compter ses sous de sa tirelire, assis sur le couchage en bas de lits superposés dans la chambre qu’il partageait avec sa sœur benjamine. En congé de l’école pour les fêtes de fin d’année, il ne restait que trois jours pour la Noël. Il avait abandonné l’idée des cadeaux du Père Noël depuis belle lurette et avait pris charge lui-même de ses affaires. L’année précédente, son beau-père, Joseph,  était venu à la maison ivre la veille de Noël et s’était réveillé le jour après avec une humeur massacrante, prêt à lui donner une raclée, surtout s’il mentionnait le sujet de cadeau. L’année d’avant ne fut pas meilleure car sa maman était malade et peu après devait utiliser une chaise roulante, autrement ne pouvant marcher qu’avec de l’aide. Sa mère dorénavant perdit son travail de femme domestique et la famille maintenant vivait aux dépens d’un seul salaire ou ce qui en restait après les dépenses de cigarettes et d’alcool d’un homme de plus en plus irascible, aigri de son pétrin d’unique gagneur de pain. Sa mère avait peu d’accès à l’argent après les dépenses et ne pouvait plus lui acheter de jouets, même si elle le désirait, une réalité qui faisait son cœur souffrir.

Nesly avait le don d’attirer le mauvais sort comme intrus compagnon. Son père naturel avait violé sa mère et ne fut jamais une part de sa vie. Quand elle épousa son mari actuel une année après la naissance de Nesly, un an plus tard après les noces, elle lui donna une fille ; elle fut surprise de sa déception car il voulait un garçon. Sa mère ne pouvait plus enfanter et ceci avait compliqué la situation. Joseph sans tarder tourna vers l’alcool et  était susceptible à des piques de colère quand ivre.  Nesly et sa petite sœur, Jeanine, ne pouvaient compter que sur l’un et l’autre et leur maman pour les câlineries et l’affection et ils ont appris de l’éviter pour s’éviter des déboires. Á peine onze ans, Nesly prit un poste de livraison de journaux ; au début son territoire comme pédestre couvrait deux pâtés de maisons et après quelques mois il avait économisé assez d’argent pour s’acheter un vélo à un vide-grenier et il avait élargi sa route couvrant maintenant six pâtés de maisons, un boulot de très tôt le matin, malgré l’intensité du froid et pas de congé permis.  Prescient, il avait décidé d’économiser bien longtemps après l’achat du vélo pour acheter des cadeaux, pour sa sœur, sa mère mais il n’était pas sûr s’il devait inclure son beau-père, car sa présence le rendait très inconfortable.

Assis sur le lit, Nesly réfléchissait à beaucoup de pensées. Le choix de cadeaux, la quantité d’argent économisé furent d’importance énorme.  En effet le salaire de Nesly était une pitance de forfait journalier mais il recevait des pourboires irrégulièrement pendant la saison normale mais pendant les fêtes, c’était un acquis. Pris de panique, il doutait qu’il pourrait accomplir ses desseins. Sa tirelire contenait tous les sous qu’il pouvait emmagasiner, des pièces d’un sou, cinq, dix, vingt-cinq. Absorbé sur son lit, il organisait ses sous en des piles de 100 chaque et ne remarqua pas Jeanine, réveillée, s’attendant à et se boudant de ne pas pouvoir parler de menus propos comme d’habitude car il n’était pas dispos. Cependant cela faisait partie de leur routine quotidienne. Récemment, elle avait pris un goût pour les livres, un intérêt commun qui les rapprochait encore plus prêt ensemble. Jugeant qu’elle pourrait se sentir méprisée, il lui demanda de l’aider à arranger ses sous.

Ils s’assirent l’un près de l’autre et soigneusement  les assemblèrent en  dix d’un sou, deux de dix, et un de vingt-cinq. Il ramassa $10 en penny, $40 en dix sous, $25 en 25 sous pour un total de $75 ! En l’ajoutant aux $25 en billets qu’il avait cachés, c’était une fortune de $100. Exalté  Il lui donna $20  pour faire ses emplettes de cadeaux. Ce simple geste  dégela aucune trace de lèse perçue précédemment ce qui lui a plu.

Frugal de nécessité, né entrepreneur, Nesly avait  la capacité innée d’un œil vif pour une bonne aubaine. Avec l’aide de Jeanine, il dressait un stand de citronnade pendant la canicule d’été, ou parfois il vendait de l’eau glacée en bouteille au prix double de l’épicerie locale aux chauffeurs passants. Il était au courant des ventes de livres usés par la bibliothèque, et il avait son pouls sur les ventes de garage aussi bien que les friperies. Ces derniers jours, il épiait les annonces de soldes dans le journal. Il avait le don de tourner un obstacle en une opportunité. Les jours de neige, il aidait le gérant de son complexe d’immeubles à faire le déblaiement du trottoir, moyennant un honoraire. Cela remplaçait le forfait perdu à son boulot de délivrais on de journaux parce que sa mère ne lui permettrait pas de travailler dans de telles conditions.

Il acheta sa mère un portable bon marché à service sans contrat et un joli chandail rouge à la friperie. La vendeuse lui avisa de le faire nettoyer à sec à la blanchisserie juste à côté et offrit de l’emballer elle-même dans un papier-cadeau sans frais. Il s’arrangea pour offrir un présent d’apparence mignonne et chère mais peu coûteux. Satisfait et fier, il savait que sa mère serait coquette et élégante dans cette tenue. Il tergiversa sur son beau-père. Finalement, il décida de lui acheter une chemise, mais s’effrayait de même regarder dans son placard pour vérifier sa taille de peur de réprimande ; au lieu de fouiner, il demanda à sa mère qui le lui dit volontiers.

La relation glaciale avec son beau-père accouchait une pilule amère à avaler dans le quotidien. Il portait le nom de jeune fille de sa mère tandis que son beau-père représentât le seul père qu’il eût connu. Cette blessure le rongeait constamment, tandis que la dévotion maternelle le recouvrait d’un baume apaisant sinon un liniment pour cette cicatrice émotionnelle. Simultanément, il appréciait son lien avec Jeanine, comme une sève nourrissante, une autre couche de protection sans demande, sinon sa  pierre angulaire, mais la sûreté son ancrage. Cependant l’amour de Jeanine et de sa mère bien qu’il atténuât la douleur, ne pût effacer, éliminer, remplacer, supplanter la soif de l’amour paternel.

Son but principal était de satisfaire ses êtres aimés pour la Noël. Son propre souhait demeurait la découverte de la sensation chaude d’une étreinte sincère venant de son beau-père au lieu de remarques sournoises et sarcastiques, une douce caresse en guise de bousculade et la suspension de l’engueulade. Loin d’être un cadeau matériel, ce souhait valait plus d’un million, simple mais portant la possibilité si minime de plénitude qu’il le reléguait au monde raréfié de pays de rêves, son propre monde dépourvu d’oasis mais rempli de terre desséchée. L’achat de la chemise fut une étape importante, gonflé de trépidation et  craintif qu’il était de la réaction de son beau-père à ce gage. La veillée de Noël, Nesly et Jeanine décorèrent un petit arbre de Noël artificiel avec l’aide de leur mère et il arrangea les cadeaux autour de l’arbre. Ils jouèrent et chantèrent des cantiques de Noël. Jeanine prit soin du toilettage de leur mère, avec un chic tressage de cheveux, jouant le rôle de manucure et de pédicure. Elle dota sa mère d’un maquillage exquis, ce pour l’embellir et remonter son moral. Le beau-père de Nesly comme de coutume, n’était pas à la maison, dehors avec ses camarades noçant avec des boissons et autres plaisirs à son gré et faisant le zouave.

Le jour de Noël, Nesly et Jeanine ont brassé un chocolat chaud qu’ils servirent à leurs parents. Nesly avait hâte d’ouvrir les cadeaux dans le salon,  n’espérant aucun pour lui-même. Jeanine lui surprit en lui donnant un livre, elle donna un châle à sa maman et un ceinturon en cuire à son père, tous achetés à la friperie. La mère adora le chandail et l’étrenna sur le champ. Jeanine et Nesly s’embrassèrent pour leurs cadeaux respectifs. Son beau-père, y pénétra tout chancelant et en cuite de son escapade de la veille, frottant ses yeux, avec sa mine déplaisante, son haleine puant l’alcool. Il  tourna d’austère en surpris, d’embarrassé en maussade, de rongé à insouciant, de mesquin à simplement joyeux. Le tout à la vue des proches célébrant, avec des expressions effusives d’amour, s’ébattant, exhibant leurs présents et surtout à la vue des siens de Nesly et Jeanine. Finalement il prit conscience de la rebuffade qu’il faisait à sa famille. En peu de temps, il eut une implosion qui se métamorphosa en une épiphanie.

Le cadeau de Nesly à son beau-père était jumelé d’une carte de souhaits qui dit, “ À Papa avec amour, de ton fils Nesly.” Il réalisa rapidement qu’il cherchait l’amour à tous les mauvais endroits, ignorant les toujours présents jeunes et pas si jeune, soucieux, souffrants cœurs, débordants d’un amour pur, non partagé, inconditionnel. Donné avec une expression spontanée, aisée, énergétique, pourtant simple mais profonde, vive. Cela toucha son âme ensommeillée, égoïste, froide, égotiste, pétulante, sexiste à sa base. Cela permit une fissure, en secouant, nettoyant, recalibrant cette ancienne âme. Cela créa une nouvelle âme à travers un nouveau moule, une mentalité généreuse et magnanime, et une disposition malléable, conciliante. Cela l’emporta  vers un monde avec une lumière étincelante, chatoyante, joyeuse, joviale connue universellement comme l’amour simple.

Le souhait de Nesly ne fut pas en vain. Il reçut l’étreinte spontanée dont il rêvait tant. L’épiphanie pour son beau-père se traduisit en plus de temps passé à la maison, plus d’attention portée à la famille et ses besoins financiers et affectifs, beaucoup moins de temps avec la bouteille, mais par-dessus tout, l’adoption légale de Nesly comme son propre fils.

Reynald Altéma, MD

 

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