TREMLEMENT DE TERRE DU 12 JANVIER 2010 :
l’AMHE s’en souvient.
LECONS APPRISES ET OPPORTUNITES RATEES.

Dans la douleur et l’émotion, Haïti commémore ce weekend, un peu partout en diaspora et dans  l’alma mater, les souvenirs horribles du tremblement de terre du 12 Janvier 2010 qui ravagea entièrement  Port au-Prince et les contrées avoisinantes .Pour marquer d’une pierre blanche , les souvenirs de ce jour et des moments douloureux  qui l’ont suivi dans les instants d’après, l’AMHE  a organisé ce weekend au centre culturel Père Gérard Jean-juste de Miami,  une journée de commémoration  et de rappel à l’endroit  de tous ceux-là, disparus ou emportés en cet  après –midi fatidique du 12 Janvier 2010.

Une nouvelle décennie venait  de commencer  et avec elle, l’espoir de voir poindre à l’horizon des jours nouveaux. Ceux  qui comme moi, généralement passent leur fin d’année  en terre natale, et  venaient tout juste de  retourner à  domicile, parlèrent encore de leurs expériences au pays, d’amis et de retrouvailles que rendent  toujours possibles les fêtes de fin d’année.

Mais…Trente secondes seulement avaient suffi pour  changer à tout jamais le cours de  son destin, et infliger à tout un peuple,  déjà en mal de survie, un sort dont aujourd’hui encore, dix ans plus tard, il peine à se relever. Les morts se comptaient par milliers, les blessés et les estropiés pullulaient dans  les rues.

 Des membres d’une famille  séparés ou enfoncés sous les décombres, mettaient  des jours à se réunir quand ils n’étaient pas tout simplement  disparus à tout jamais. La communication avec le monde extérieur était brutalement interrompue. L’infrastructure du pays, quasi inexistante, était réduite à  néant.

La banque mondiale estimait  entre 7 et 10 milliards de dollars le cout des dommages causés par  le tremblement de terre dans la seule région métropolitaine. Le professeur David Jocelyn, un féru des sciences planétaires, ingénieur –géologue de formation, une sommité  qui a travaillé  un peu partout, aux nations unies et ailleurs, nous fit un brillant exposé de la configuration géologique d’Haïti et des risques sismiques, encore grands  aujourd’hui,    au niveau des plaques tectoniques traversant le pays de l’ouest à l’est et du Nord au SUD.

Au milieu du désarroi  dont le pays  pâtissait sévèrement, naissait cependant pour plus d’un, l’espoir de repartir sur des bases nouvelles. On avait pris conscience de la faillite de l’Etat et des institutions qui s’occupaient de la construction des bâtiments dans le pays.

L’on se disait tous qu’on allait faire les choses autrement, et rompre avec les anciennes pratiques. D’autant plus que tout juste quelques mois  auparavant, une école de plusieurs étages s’était effondrée dans la capitale causant des dommages énormes et des pertes en vies humaines.

A ce moment –là, tout le monde parlait du rôle de l’Etat et de sa permissivité vis –à-vis de ces constructions anarchiques. On n’avait aucune raison de ne pas  croire que l’Etat allait se réveiller de sa torpeur puisque tout était à recommencer et à refaire.

 On oubliait cependant  que l’Etat dont nous parlons ne s’était jamais montré digne du rôle régulateur et de dépositaire  des règles sociétales, et qu’il avait toujours  failli dans sa mission de protéger les  citoyens .On réalisera  un peu plus tard que c’’était faire preuve de naïveté, et trop croire dans la bonhomie  naturelle de l’humain.

Dr. Angelo Gousse qui  arriva en Haïti, lui et sa femme, trois jours après le tremblement de terre, au milieu d’un contingent de la medishare, pour aider et servir, parlaient hier  avec amertume de ce à quoi, ce pays aurait pu ressembler dix ans  plus tard,  des opportunités que nous avons ratées, encore une fois , en tant que peuple, opportunités  qui auraient pu transformer notre malheur en  joyau collectif. On se rendra finalement compte que  si  certains, parmi les grands, avaient compati  de manière sincère à notre  malheur et cherchaient à nous aider de manière  désintéressée, il n’en était pas ainsi de tout le monde.        D’aucuns y voyaient la  chance de s’enrichir et de faire leur beurre. Beaucoup d’autres  étaient prêts à se servir de cette catastrophe naturelle pour faire avancer leur propre cause.

En  quelques jours, on comptait dans ce pays plus d’O.N.G.  que d’organismes gouvernementaux, et tous n’avaient qu’un but en tête, celui de se tailler une portion appréciable  de l’aide aux victimes..Et

L’aide qui devait servir à changer la condition de vie des sinistres avait  tout simplement fait fausse route. De dépenses superflues  en  projets bidons, on tarissait toutes les ressources  disponibles  pour les besoins cruciaux  auxquels le pays  faisait face.

Le problème de l’aide internationale  apportée aux pays en difficulté  financière, est qu’elle a toujours été une sorte d’assistanat pour les organismes  et les technocrates des pays riches à travers les pays pauvres.

Cette aide est en votre nom, Mr. Pays pauvre, mais ce n’est pas pour vous. Vous achetez le matériel chez nous, même si  vous êtes capable de le produire localement.

Nos techniciens auront un salaire dix fois supérieur à celui des riverains même si c’est le même travail qu’ils fournissent. Et vous ne devrez pas dire non..Sinon vous serez considéré comme un enfant rebelle.On fera  sévir contre vous la grande presse internationale et l’on vous accusera de tous les maux. Un ami raconte que  dans le même bâtiment où se trouvait logée  la croix rouge Haïtienne, il y avait  une vingtaine d’autres croix rouges  pour collecter leur propres fonds au nom d’Haïti. Des études ont prouvé  que pour chaque dollar des premiers  cinquante millions décaissés  par l’administration Américaine du président Obama, 90 centimes  étaient consacrés  au logistique et au transport d’engins lourds et de  matériels militaires vers la rade de PAP ;et des dix centimes qui allaient dans l’humanitaire, la république Dominicaine en recevait quatre centimes et Haïti les six autres centimes restants.

RIEN N’A CHANGE  DEPUIS LE 12 JANVIER  2010.CAR LES MAUVAISES MŒURS ON LA VIE DURE.

Avons-nous construit un ou deux autres  Aéroports  internationaux en dehors de Port au-Prince au cas où celui serait de nouveau affecté par un autre tremblement de terre ?  Est-ce que  nous construisons selon les normes parasismiques qui préviendraient une perte si colossale en vies humaines lorsque le prochain tremblement de terre arriverait, et empêcheraient  que les toits des maisons ne s’effondrent, comme en sandwich avec des humains au beau milieu ?. Nous sommes nous demandé  pourquoi le Chili qui a connu un séisme de 8.9 sur l’échelle de Richter a eu seulement 300 morts alors que nos morts étaient de 300.000 pour un séisme de 7.8 ?

 Avons-nous  des stocks  alimentaires et d’autres besoins de première nécessité   à renouvellement indéterminé qui permettraient  à la population de survivre  dignement les premiers moments  d’une telle catastrophe.

D’après le professeur Jocelyn, la faille septentrionale  qui pourrait causer des dégâts matériels considérables depuis Ouanaminthe jusqu’à Jean Rabel  continue de monter en pression et peut connaitre une déflagration à tout moment. On sait que ce n’est pas une question de si mais de quand est ce que le prochain tremblement de terre arrivera.

Dr. Guiteau Jean-Pierre, président de la croix Rouge Haïtienne et Mr.  Garibaldi Santiague qui ont fait le déplacement depuis Haïti, nous ont assuré  qu’ils sont aujourd’hui mieux préparés  pour faire face à un tel défi. Ils disent avoir bien appris les leçons de la dernière fois et qu’ils ont établi des centres  de secours un peu partout a travers les  départements géographiques du pays  et dans les iles avoisinantes pour mieux répondre aux urgences à venir. Il faut croire en la franchise de leurs propos et en leur patriotisme lors même que nous  savons que ce n’est pas facile de changer du jour au lendemain des  pratiques aussi vieilles que la nation.

Maitre Jean-Claude Exulien, professeur en Sciences sociales, aussi appelé maitre Zin , et qui  a parlé  de la faillite de l’Etat, n’a pas manqué de rendre  ce dernier  responsable de tout ce qui s’est  passé  avant pendant et  après les événements  du 12 Janvier 2010.

 Pour lui l’Etat ne va pas changer s’il ne pratique pas une politique de carotte et de bâton vis –à –vis de ses  administrés. Ceux qui en ont déjà trop  ne vont jamais accepter que leurs prérogatives et leurs privilèges  soient réduits au profit de la classe  défavorisée..Ils n’ont de loi que leurs intérêts .Ils sont prêts  à renverser,  à assassiner  et à  pratiquer toute sorte de doublure  aussi longtemps que « leurs biens » sont en péril. Ils ont des racines et des  ramifications profondes dans l’internationale où les vertus se perdent dans l’intérêt comme les fleuves dans les océans. Voila pourquoi on a tous peur de les attaquer. Pour maitre Zin c’est seul  un Etat fort, mitrailleuse à  la main pour forcer l’application des lois, qui pourra changer les choses dans ce pays.

C’était une journée où les intervenants et les panelistes ont tous brillé par leur savoir faire, leur savoir dire et le fond de connaissance dont ils ont fait montre dans la présentation du dossier.Tout l’honneur revient   au Dr. Pierre –Paul Cadet, actuel président du CEC qui a tout consenti pour rendre possible cette journée riche en mémoire et empreinte d’intellectualité. Le comité d’organisation, les sponsors et les modérateurs dont Dr .Rony Jean-Mary, Dr. Nancy Calixte, Dr. flore latortue, Dr. Elizabethe Phillipe et Dr. Michaelle Bruno, our executive Director, ont tous contribué  au rayonnement de la  journée qui fut un succès à plus d’un titre. L’événement  fut couronné  par une réception  où des mets succulents ont fait les délices  des  palais les plus sophistiqués.

Qu’avons  nous appris  au soir d’une telle  journee ?

Nous avons appris très peu de choses que nous nous ne savions pas avant. Nous avons vu l’Etat se démettre de plus en plus de ses responsabilités  et prendre ses distances par rapport au peuple. Le degré de pourrissement des institutions  n’a jamais été aussi élevé.

Le risque d’un autre séisme se perd de plus en plus dans le subconscient des gens qui reviennent lentement à leur ancienne pratique en attendant qu’un jour, bientôt, se déclenche la prochaine catastrophe. Mais le rappel était nécessaire. Il espère provoquer cette prise de conscience qui sensibilisera les hommes et  les portera désormais sinon  à mieux vivre ensemble du moins à  être plus exigeants vis de l’Etat dont la mission est de servir et de protéger .

Rony Jean-Mary, M.D.

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