EN HAITI, UN CARNAVAL CELEBRE
DANS LA TOURMENTE :
Depuis le Week-end écoulé jusqu’aux heures avancées de la nuit du mardi , Haïti va célébrer la fin du mardi gras pour passer au temps des carêmes, époque généralement reconnue par la religion catholique comme étant une périodes de réflexion, de sacrifice ,de jeune et de prière.Mais c’est un peu partout à travers le monde, sur presque tous les continents qu’une telle célébration a eu lieu. Elle aurait pris naissance en Egypte et se serait étendue ensuite à toute l’Europe en passant par la Grèce et l’Italie avant d’être introduite en Amérique avec les premiers migrants européens.
Les origines de la fête semblent précéder la période médiévale ; Cependant, rien ne semble être sûr quant à la date exacte à laquelle cette fête avait pris naissance. Il est rapporté ailleurs que c’est au 12e siècle de l’ère actuelle que l’Eglise catholique fixa pour la première fois la période du mardi gras, généralement terminée un mardi , dans l’espace s’étendant de l’épiphanie au mercredi des cendres.
S’il est vrai que les origines exactes du carnaval et du mardi gras ne sont pas tout à fait certaines, par contre les raisons ou les circonstances ayant porté à sa création ne tarissent pas d’explication voire de spéculations.Pour certains, le mardi gras est une célébration qui consacre la fin de la période hivernale avant de passer au printemps où la nature se renouvelle et semble redémarrer avec un nouveau cycle cosmique.
Le mot Carnaval qui coiffe généralement la période du mardi gras viendrait de deux mots latins « carne » et « levare » et signifierait enlever la chair ou enlever le gras. Il correspondrait à une période de réjouissance et de vie grasse qui précède un temps plus calme et plus serein qu’est celui des carêmes.
Il serait aussi une sorte de préparation intense ou de pré-consécration en prélude au passage à une période plus introspective, et moins aiguillée vers le matériel et le charnel. Il n’y a donc rien de religieux dans un défilé carnavalesque ou dans le mardi-gras en soi. Le mercredi des cendres est l’unique aspect religieux ou ritualiste du moment.
Autrement dit, il s’agit d’une fête hautement païenne au même titre que le protocole dont elle est auréolée. D’autres voient enfin dans la période du carnaval un moment de débridement et d’effrénément des mœurs où tout est permis, et où l’on semble avoir droit à toutes sortes d’exactions possibles
Force est de remarquer que la vocation première du carnaval a toujours été d’offrir au peuple un moment de liberté, de License et d’allégresse. En ce qui a trait à l’aspect psychosocial du phénomène, il existe un processus de métamorphose qui s’opère chez les gens ; processus par lequel, ils se maquillent et essayent de vivre sous les traits ou les caracterisques de quelqu’un d’autre. Cette métamorphose assure aux gens de pouvoir se soustraire aux aléas du quotidien pendant un lapse de temps, si bref soit il, et de s’évader de la réalité..
Physiquement, la métamorphose s’observe aussi dans le masque que l’on porte pour étaler au grand jour tout ce que l’on voudrait être, l’on voudrait dire ou faire. Ce faisant, les participants au carnaval typifient en général un personnage dont ils veulent se moquer, ce qui attribue un contour satirique à la célébration.
En Haïti, depuis quelque temps, une certaine polémique semble surgir au tour de la nécessité d’avoir ou non un carnaval à Port-au- Prince et dans le reste du pays. Ceux qui sont pour le carnaval pensent qu’on ne devrait pas priver le peuple d’une activité hautement économique et rentable, et qui permet le brassage d’une forte somme d’argent que le trésor public généralement injecte dans ce genre d’activité.
Du plus grand au plus petit des commerçants, c’est tout le monde qui en bénéficie, pense-t-on. Un autre courant de pensée voudrait voir le carnaval comme étant un gaspillage d’argent qui va servir à ne résoudre aucun des besoins essentiels de la population. Les gens attachés à cette ligne de pensée, estiment que dans un pays où tout est une question de survie et de priorité, de telles sommes pourraient être utilisées à d’autres fins plus rentables. Ils semblent avoir raison, car on ne peut pas fêter avec le ventre creux et dans une situation de misère aussi déplorable que celle que nous connaissons actuellement.
En fin, comme l’a si bien fait remarquer un confrère avec qui je m’entrainais le weekend écoulé, il existe un aspect culturel dans le carnaval qu’il sera difficile de ravir au peuple. Faut –il cependant rappeler qu’il ne s’agit pas là d’un besoin essentiel ou prioritaire et que ceux-là qui vivent dans des zones éloignées où le carnaval n’a pas toute cette popularité qu’on lui confère, ont pu trouver d’autres moyens de distraction et d’amusement.
Malheureusement, les débats contradictoires dans ce pays, les contentieux de tous ordres ne se règlent jamais par un compromis qui permette aux parties de ne pas se sentir lésées. C’est toujours la dialectique de la force qui prime sur la force de la dialectique. Ainsi on a assisté cette semaine à des scènes de vandalisme et d’incendies de proportion alarmante qui déshumanisent autant les victimes que ceux qui perpètrent ces actes criminels.
Ajouté à l’aspect volatile et sensible de la question est le fait que le carnaval a toujours été pour plus d’un l’occasion de faire leur beurre, de patauger davantage dans la corruption et de récompenser les amis fideles du régime.
Dès lors que le carnaval se trouve entaché d’une telle perception de corruption engluée dans toutes sortes de prébendes et de pourboires, on comprend qu’il soit autant décrié dans la population.
Rony Jean-Mary, M.D.
Coral Springs, FL
le 23 février 2020.