LA MEDECINE ENTRE CULTURE SACERDOCE ET PROFESSION RĖMUNĖRATIVE.

En choisissant un tel titre aujourd’hui, j’exprime un peu de mes sentiments personnels sur le sujet,  et je continue en même temps  mes engagements  envers le  newsletter avec  lequel je collabore depuis près de six ans. Mais avant  d’aller plus loin, j’allume  une fière chandelle pour mon fils le Docteur Rony Jean-Mary  II qui vient de compléter avec succès un cycle d’entrainement en Anesthésiologie.

Comme  Rodrigue parlant à Don Diegue, dans le Cid de Corneille.

«  Dans cette ardeur que dans les yeux il portait cet vendredi après-midi là, j’avais reconnu mon sang ».  Il m’a bien emboité les pas dans cette profession unique où l‘essentiel consiste à  sauver des vies ; et il est désormais prêt à  assumer la lourde responsabilité qui incombe à une telle profession. Si Quatre années de cela, sous le titre :  «  une lettre à mon fils », je lui parlais d’Apollon, le dieu de la médecine, de Hygiena  sa fille et d’Esculape le grand, ce vendredi à Brooklyn , sur le Soccer roof qui domine , à travers la baie d’Hudson , tout Manhattan de l’autre coté de la rivière, je lui disais cette fois –ci  que la branche de la médecine  où il va militer désormais , ne laisse jamais de place à l’erreur. Il comprenait certainement que quelques heures à peine, entre un sommeil et un réveil, sous le ventilateur, les gaz qui s’y  dispensent, et des appareils qui ne fonctionnent pas  bien , suffisaient à faire basculer  toute une vie , toute une dynamique familiale pourtant bien ancrée..  Pendant notre temps ensemble, je lui répétais   les conseils que je lui avais prodigués dans les colonnes  du newsletter à l’occasion de sa graduation comme médecin  il y a exactement quatre ans.

Lors, Je lui rappelais que Science sans Conscience  n’est que ruine de l’âme et qu’il devait toujours se  souvenir de ce qu’il fut, de ce qu’il est devenu aujourd’hui ,et de ce qu’il fera de lui-même, de son avenir , puisque  c’est toujours nous qui forgeons l’avenir à travers les actes que nous posons ; qui faisons marcher le temps, attirant sur nous , bon gré  malgré, les jugements de l’histoire.

Notre présent n’est que  le futur de notre passé tout comme il deviendra un jour le passé de ce que nous appelons notre futur aujourd’hui. Je lui rappelais que fils d’immigrant, il devait démontrer une sensibilité particulière envers  ceux et celles de la trempe de ses grands parents  ou d’autres qui, en foulant le sol étoilé, s’étaient transformés  en analphabètes du jour au lendemain, puisque ne parlant ni ne comprenant la langue de la terre. Je lui demandais de mettre du temps à les écouter car le plus grand supplice d’un patient  est de devoir  se confier à quelqu’un  dont il ne sait s’il  sait de quoi il le traite ou ou pourquoi il le place sur la table d’opération.

Il devra trouver sa propre voie dans l’existence, lui ai-je dit, car chaque vie est unique. Il reprendrait cent fois ma route à moi, mais  toujours  ne comprendrait- il pas ce que j’ai fait pour ce semblant de réussite  dont je semble être fier. je lui demandais enfin de bien jouir de la vie, de tout déposer par moment et d’aller  se refaire mentalement et physiquement. Comme tout jeune professionnel accompli, il aura  les moyens et la capacité de ses désirs mais le temps lui fera toujours défaut.

Qu’il n’ait jamais  le vertige des hauteurs  et qu’il dépense sagement la grosse somme qu’on va commencer à lui payer. Car si la disette dans la jeunesse doit être considérée  comme une bénédiction au tant doit être considérée  come une malédiction  la pauvreté  dans la vieillesse .Je lui disais que si l’Anesthésiologie et la psychiatrie sont devenues aujourd’hui des branches lucratives de la médecine presqu’entièrement fermées aux médecins étrangers, il n’en était pas toujours ainsi.

De même la médecine de famille avait fait miroiter  de grands espoirs pour ceux qui y appliquaient, voila une vingtaine d’années. Mais les résultats  n’ont pas vraiment répondu à la promesse des fleurs. L’accès à des médicaments importants et à certaines  procédures chirurgicales ou autres, se font souvent attendre, arrivantparfois  trop tard ou jamais. On se disait que peut être, dans un avenir proche, d’autres changement interviendront  et feront place à un modèle de santé plus personnalisé  et accessible à tous. La sante universelle étant le seul modèle à n’avoir pas  encore été essayé  jusqu’ici…Mais dans tous ces changements qui sont appelés à  paraitre ou à disparaitre, il faut sans cesse se demander :

Quelle est la vraie place du médecin dans tout cela ?.

Il est de grande notoriété que la médecine a toujours été considérée comme une profession  bénévole. On la décrit comme étant un sacerdoce Un sacerdoce est une tache ou profession devant être exercée avec dignité et abnégation. Elle est classée à  coté de la prêtrise et devrait être pratiquée sans contrepartie rénumérative. Mais la différence entre le  médecin et le prêtre  est que celui-ci est pris en charge par la société ou une quelconque dénomination religieuse alors que le médecin est toujours à son compte et fait face à d’énormes pressions sociétales.. Il doit vivre du fruit de son travail pour lequel il mérite d’être compensé. Quand je pratiquais la médecine en Haïti, à l’aube de ma carrière, Je me demandais quelques fois  si les gens ne pensaient pas que la sante est un don gratuit de quelque part pour le quel on ne devrait jamais rien payer. Quand le médecin travaille, on ne s’attend pas vraiment à ce qu’il soit  rémunéré pour son travail.

En   Haïti surtout, les gens arrivent souvent  avec les poches vides chez le médecin,  après avoir tout déboursé dans les autres formes de médecine parallèle ou alternative , et demandent au médecin de les sauver après qu’il soit presque trop tard.

Dans le système actuel des choses, le mode  de compensation varie d’un pays à un autre et d’une mentalité à l’autre. Nous admettons ici, en parlant ainsi que la culture  joue un rôle prépondérant dans le traitement d’un individu..Elle  peut avoir un impact négatif  sur le traitement à appliquer et vice versa. Le traitement échoue bien des fois parce que le patient n’a pas confiance dans le traitement ou dans le médecin qui le prescrit. Et comme il n’a pas confiance dans le traitement il n’a pas vraiment d’engouement pour s’acquitter vis-à-vis du médecin. J’ai toujours compris que l’éducation a un grand rôle à  jouer dans les changements de mentalité. Mais ici comme ailleurs, cette éducation doit être continue et assidue. Car il faut faut près de quatre générations pour changer les mœurs.

En 1990 encore, les belges cachaient des morceaux de pain dans des tiroirs pendant des jours à l’hôpital où travaillait ma sœur Et quand on leur demandait pourquoi cacher des morceaux de pain quand il y en avait à gogo et de partout, ils répondirent qu’ils avaient connu la guerre et qu’ils savaient que les chaines de transportation ou de production de  nourriture pouvaient  être  interrompues.

Nos patients changeront leur pratique seulement  lorque nous les aiderons  à penser autrement. Ils auront alors confiance en nous et ils nous récompenseront grassement et même au-delà  de leurs moyens. Beaucoup travaillent sans relâche parmi mes confrères et consœurs pour l’arrivée de ce jour. Pour eux aussi, j’allume d’autres chandelles à coté de celle que j’ai allumée tantôt pour mon cher et digne fils Rony.

Rony Jean-Mary,M.D.
CoralSprings ,Florida,
le 20 juin 2021.



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