L’été chaud que couronne la Tragédie des migrants Haïtiens  aux portes du Texas.

L’été qui vient de s’achever aura été l’un des moments les plus tragiques de  notre histoire de peuple.. Apres l’assassinat crapuleux d’un chef d’état en pleine exercice de ses fonctions, et le tremblement de terre du 14 Aout dernier qui laissa à genoux la péninsule  Sud d’Haïti, sans oublier le cyclone de la même semaine, on s’attendait à un certain répit sur le plan international. On voulait tous de quelques bonnes nouvelles , de n’importe quoi, même d’un bon score d’un match de Foot qui ferait parler de nous en termes élogieux. Car ma fierté, après toutes mes années de résidence en terre étrangère, a toujours été  de rappeler haut et fort combien je suis un natif natal d’Haïti. Je n’ai pas encore  trouvé  cette raison qui me ferait lâcher prise  de mon identité propre pour me faire me cacher sous une ombrelle etrangere.  Et pourtant, le drame poignant des migrants Haïtiens et le spectacle horrible de ces milliers de compatriotes,  massés sous un pont à la frontière  entre le Texas et le Mexique, m’ont assené un coup  bien   plus douloureux que je  ne m’imaginais. C’étaient des scènes   révoltantes  à plus d’un titre, et qui devraient nous interpeller tous : Haïtiens en premier lieu, et l’humanité tout entière. Dans son essence, L’haïtien  semblerait être  un peuple en perpétuelle migration qui se sent mieux partout sauf chez lui. Il semblerait chercher à première vue la république étoilée, mais peu importe où il arrive au final, pourvu que l’étoile du destin, l’étoile  qu’il suit  au milieu de la mer ou au fond des forets de l’Amérique latine et du Panama, ne le ramène au pays d’où il était parti. C’est presque  sans désir  de retour qu’il laisse le pays de ses ancêtres, tellement les conditions de vie, ici, se sont détériorées  au cours des trente dernières années.

Pour lui l’enfer c’est Haïti.

Force est de comprendre cependant que l’Haïtien  laisse le pays non pas parce qu’il n’aime pas sa patrie, mais parce qu’il voit ses rêves de bien-être  s’enliser  de jour en jour dans un cauchemar sordide, et qu’il semble être pris dans un labyrinthe où il est condamné à mourir sans pouvoir s’en sortir. Transporté des cottes  d’Afrique d’où il fut  arraché de sa terre ; et vendu à Saint-Domingue comme tête de bétail dans l’unique but de travailler et de  faire fructifier le sol, Le paysan Haïtien  n’ a de cesse , depuis des années, qu’il ne parte  vers des cieux plus cléments où  il trouverait le bien-être recherché .Certains diraient que je suis allé trop loin en arrière pour palper le phénomène de l’exode  Haïtien; mais en vérité , le sort du paysan des campagnes ne s’est pas amélioré  grandement depuis l’indépendance. De temps à autre  quelques  éléments disparates  arrivent à s’échapper du panier ; Si j’en suis peut être un exemple, je ne le  sais pas. Mais dans l’ensemble rien n’a été fait pour changer les conditions de vie de ce peuple. Des mesures appropriées  qui étancheraient la  soif  de justice, de liberté, d’education  et d’épanouissement social  du peuple en général, n’ont jamais été prises en sa faveur ;  et les semences d’espoir que charriaient les belles promesses de toujours , se sont tout simplement estompées sur les terres plus arides de la corruption et de l’enrichissement illicite  au détriment des masses paysannes…

Quand le pays changea de mains en 1804, la majorité  de la population resta dans les champs  dans une sorte de pacte tacite qui laissait aux citadins la responsabilité  de gérer  les affaires et de moderniser les structures existantes. Ils travaillaient la terre sous toute forme d’arrangement avec les propriétaires terriens  absents, alors les latti fondi  qui résidaient dans les grandes villes, dans l’espoir  pour eux d’un mieux être à partir  des produits  et récoltes de la terre. Malheureusement, Cette élite citadine  n’a pas tenu  sa promesse de rendre la vie meilleure à ceux-là  qui de toujours, avaient pour mission de soutenir l’économie du pays et de rendre la nation prospère .Car,  plus les paysans travaillaient sur les habitations, moins ils étaient  capables de répondre à leurs besoins essentiels de survie. Ils étaient  devenus tout au contraire ‘’ les gens en dehors’’ ou ‘’ monde en dehors ‘’, malgré leur poids énorme dans la balance économique et en démographie. Voilà comment nous avons fini par construire  un pays d’exclusion, un système d’Apartheid  qui  s’est étalé sous nos yeux, avec des  marginalisés pour la plupart, et des ‘’laissés pour compte’’.

 

Quand le pays était encore vivable, les paysans  acceptèrent tant bien que mal de rester sur les terres au risque de  se faire gruger par ceux –là qui prenaient leurs denrées à bas prix et n’établissaient en retour aucune institution  publique tels  eau potable, hôpitaux et  structures sanitaires, écoles, etc.  au profit des masses exploitées. Et  c’est alors que commença  le grand exode  rural qui voyait descendre vers les villes de nombreux paysans qui voulaient eux aussi que leurs enfants pussent apprendre à lire et à écrire. Nous avons traité la paysannerie Haïtienne comme une réserve de mine. Nous l’avons exploitée outrancièrement, et il ne reste plus rien  à en puiser aujourd’hui. Cela  explique pourquoi la nation est entrain d’imploser. La classe moyenne n’existe plus .Avec les paysans qui s’en sont allés, le confit jadis larvaire entre le petit groupe qui possédait tout et la grande masse des infortunés   finit  par éclater au grand jour. Et nous sommes. comme à la veille de 1804, un baril de poudre que la moindre étincelle peut faire sauter à tout moment. Le gros peuple n’a plus confiance dans l’Etat et dans les institutions. Il en est résulté  une  dilution des sentiments  patriotiques où personne ne croit plus en l’avenir de ce pays. Voila pourquoi on  laisse le pays et l’on s’aventure dans des voyages périlleux  au prix de sa vie et de celle de sa famille. Il faut certainement  un grain de folie  dans la triture mentale d’un individu  pour qu’il parte d’une terre aussi lointaine que le Brésil ou le Chili, parfois accompagné  d’enfants en bas âge, jusque vers les Etats-Unis et l’Amérique du Nord.

Cependant, l’insécurité grandissante qui, ces temps derniers, a  gardé tout le monde cloitré   derrière des murailles épaisses pour se protéger des gangs qui font la loi à Port-au-Prince et dans les villes de province, a fini par détruire   ce qui restait encore de l’âme Haïtienne.

D’où la nécessité d’établir un distinguo  entre migrants et refugiés, et de statuer sur le cas de ces milliers de compatriotes qui ont tout fait pour se retrouver aux portes du Texas, l’état uni-étoilé..

C’est quoi un migrant ?un migrant par définition , est un citoyen lambda qui ,pour des raisons d’ajustement familial, d’études complémentaires ou de travail , choisit de laisser son pays d’origine  et d’aller vivre dans un autre pays. Par contre un refugié  est celui qui laisse son pays pour des raisons politiques  et d’insécurité  généralisée, choisit de fuir loin de sa terre natale  et qui, s’il devrait retourner au lieu  de départ, pourraient être victime de violence ou de toutes  sortes d’abus physique, moral ou mental. Considérant les conditions actuelles d’insécurité et de violence caractérisées  qui sévissent un peu partout à travers le pays, on ne saurait  dire que les droits du déporté  Haïtien  seraient protégés si jamais il était renvoyé  vers  son pays d’origine. Alors, il est juste de dire que  les Haïtiens qui sont en stationnement  sous  le pont de Rio grande méritent d’être considérés comme des refugies à part entière. .Et  comme tels, ils jouissent d’un statut particulier, reconnu dans la charte des Nations Unies qui mérite d’être pris en considération.

 

A regarder des sheriffs lancer des cordes et chasser des Haïtiens comme on en faisait du temps de l’esclavage, on est épris de sentiments de révolte  et d’indignation, et aussi de honte et d’humiliation. On se sent impuissant face à ceux-là qui font mourir le pays à petit feu. On sent que le droit de ces refugies  a été violé  en les retournant en Haïti ou en les traitant de la manière dont ils avaient été traités à la frontière.

 

Triste est- il de reconnaitre que le drame observé au cours des semaines précédentes est loin d’être à sa fin. C’est la tragedie sans fin d’un peuple aux abois qui ne sait  plus à  qui crier ni à qui se tourner  pour trouver du refuge. C’est la faute de tous ceux qui ont dilapidé  les fonds publics et n’ont laissé aucune réserve  pour servir de tremplin social à une masse appauvrie et désabusée.

 

C’est la faute de ceux qui ont pillé  Haïti pendant les occupations successives, qui avaient emporté avec eux  les réserves en or de la République, et qui en plus de cela, s’attribuèrent pendant deux décennies  40% du PIB dans le but de payer une dette immorale qu’ils s’étaient soudoyé aux Français au moment de venir nous occuper. C’est aussi la faute de ceux qui ont maintenu les dictateurs les plus féroces dans ce pays et renversé un gouvernement chaque fois qu’ils ne l’aimaient pas. C’est la faute à ceux qui ont organisé une démocratie Bidon  dans ce pays pour imposer  leurs poulains au passé douteux aussi longtemps que cela pouvait jouer en leur faveur et servir leurs intérêts. C’est la faute de ceux qui refusent que justice  et lumière  soient faite au tour des crimes de sang et financiers perpétrés  à l’encontre du peuple

 

Au tout début de la crise migratoire de la semaine dernière, j’avais tendance à croire que c’était leur  propre faute à eux, que toute cette  horde de riverains ait  choisi de  laisser le pays en bandes désorganisées  et aille s’aventurer dans  la plus absolue des incertitudes qui soient.  Mais je me suis ravisé  pour dire que c’est eux le mal,  eux qui ont toujours gouverné  en sous mains, tirant constamment les ficelles et menaçant tous ceux qui ne veulent marcher tête  baissée dans la voie macabre qu’ils nous ont tracée. Quoi qu’il arrive, ils se doivent eux aussi d’en assumer la responsabilité. Les Etats –Unis tentent de  justifier son action en évoquant le principe de la souveraineté  de chaque nation à pouvoir déterminer d’elle-même qui elle veut laisser rentrer chez elle et qui elle ne veut pas. Mais on semble oublier  que nous avons perdu de cette souveraineté depuis des lustres, et que c’est le fameux core groupe qui décide de tout à notre place… Faut-il enfin innocenter  les collabo internes, « les infidèles »  qui ont privilégié les intérêts des autres au détriment de ceux de la patrie commune ? C’est là une autre question à la quelle je vous laisse tous répondre de manière individuelle .Car si nous ne nous prenons pas nous-mêmes au sérieux, comment peut on espérer que les autres nous respectent et nous prennent au sérieux à leur tour. ?

Ronny Jean-Mary, M.D.                                                                                                        Coral Springs,Florida.
Le 3 octobre 2021


 

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