Le dilemme Haïtien : un cas sans pareil.
Dans les années 60, aux Etats –Unis d’Amérique, après plusieurs années de domination par une minorité d’hommes blancs, les diverses couches sociales s’étaient soulevées en un seul bloc pour réclamer qu’un terme en soit mis à la méconnaissance de leurs droits longtemps ignorés et bafoués. Les noirs en première loge, avec un leader charismatique du nom de Martin Luther King, sans oublier d’autres noirs qui s’étaient aussi engagés avant lui dans la lutte, les femmes en général, les malades mentaux, les handicapés physiques les homosexuels pour ne citer que ceux-là, croyaient tous qu’il était nécessaire de réagir contre un système archaïque, dépassé, et de mettre fin à un tas de choses qui n’avaient que trop duré. Le système qui dominait partout dans le pays était alors représenté sous un sigle communément dénommé WASPM ou White Anglo-Saxon Protestant Male. Par ce système passait presque tout : les bonnes écoles, les privilèges sociaux, les bons emplois, les bons hôpitaux. Etc. etc. Pour sauvegarder la pérennité de leurs avantages, tout un cordon sécuritaire avait été mis en place par les l’Aristocratie blanche de l’époque. Les autres religions étaient ignorées ou banalisées ; les écoles étaient ségrégées ; les premières rangées dans les transports en public ’étaient réservées aux blancs. Les femmes blanches elles-mêmes ne furent autorisées à voter que vers le tout début des années 20, soit 150 ans après la naissance de la nation Américaine. Quelqu’un était considéré comme un nègre même après avoir hérité du sang d’un parent nègre au troisième ou au quatrième degré. Cependant, à la faveur du vent de liberté qui soufflait sur le pays, et du mouvement des droits civiques qui touchait presque toutes les couches de la société américaine, les gens un peu partout, s’empressèrent de réclamer leurs droits. Cette période où tous réclamaient plus de droit et de justice sociale d’abord, et aussi plus de justice en général par rapport à leurs situations antérieures dans le pays, est passée dans l’histoire américaine comme une période communément appelée : le Dilemme Américain. Cette époque représentait précisément le rejet de tout ce qui favorisait le bien-être d’un groupe minoritaire au détriment des autres composantes de la société.. C’était un dilemme dans la mesure où la société Américaine, voulait soudainement et brutalement ramener le compteur à Zéro.
John F. Kennedy voyait juste quand il disait qu’en empêchant à une révolution de s’effectuer paisiblement ou de manière pacifique, on met en place le dispositif et les ingrédients d’une révolution brutale et féroce qui arrivera finalement tôt ou tard.
Aujourd’hui, en Haïti, le pays fait face à son propre dilemme. Toutes les conditions semblent être réunies pour un chambardement total de l’ordre étatique. Le système ne semble plus pouvoir tenir.. Certains groupes armés ont un discours de plus en plus attrayant susceptible de trouver un écho favorable au près des masses exploitées. Les gangs sont de plus en plus conscients de leur poids après l’échec de la police au village de Dieu, le douze Mars dernier, et plus récemment au Pont Rouge, quand le premier ministre n’avait pas pu déposer une gerbe de fleurs en mémoire de l’illustre Empereur. A coté du territoire dont l’Etat n’a plus le contrôle absolu , et dont le grand sud, le grand Nord, l’Artibonite et le centre semblent lui échapper, il y a une perte de confiance dans l’état et dans les institutions qui se traduit par un malaise que les citoyens expriment de plus en plus ouvertement. La dernière Stratégie à avoir été mise en place par les bandits est la séquestration des camions transporteurs de produits pétroliers qui met la population aux abois et semble atteindre un point névralgique du fonctionnement de notre société.
D’un autre coté, les exactions , les abus de pouvoir et les désordres systémiques qui ont fait de toujours des mecontents et des laissés pour compte, semblent vouloir ébranler même la force toute puissante et répressive qui a toujours été la tête de pont de cette oligarchie prédatrice et cleptomane qui trône depuis toujours sur le pays. Des policiers refusent ouvertement de prendre des ordres de leurs supérieurs hiérarchiques. D’autres ont peur de prendre les rues avec leur uniforme de peur d’être attaqués par des bandits sans foi ni loi dont les armes sont de portée nettement supérieure par rapport a celles qu’ils portent : Ce qui entraine une réelle perte de légitimité pour nos soit- disant responsables..
Nous attendons depuis des mois un accord politique qui permettrait à tout un chacun d’exposer son point de vue, avec son cahier de doléances au nom du peuple haïtien. Mais chacun semble oublier que la définition du mot accord est dans la conciliation des idées communes et dans la renonciation aux irritants. C’est aussi l’addition des similarités et le rejet des contentions. Il est difficile de croire que depuis deux ans que nous cherchons un accord pour sortir le pays de l’impasse, nous en soyons encore là, à nous insulter, à nous attaquer les uns les autres, à étayer sur nos divergences plutôt que de trouver les points qui nous rassemblent tous. ?. Sommes-nous devenus si étrangers les uns aux autres que nous soyons incapables de nous parler en face. ? Comme au temps de la construction de la fameuse tour de Babel dont parle l’ancien testament, nous serions soudainement confus par la maladie des hauteurs, the altitude sickness, et nous nous entendrions sans pouvoir noud comprendre. Nous avons besoin de revenir sur terre et de comprendre qu’il n’ya pas d’accord parfait, que la politique est comme une partition a exécuter et qu’ ’il faut tantôt diéser, tantôt bémoliser. Le chaos est inimaginable et indescriptible mais il ne devrait pas être impossible de trouver un accord qui ferait taire au moins momentanément certaines des revendications et doléances légitimes exprimées par le peuple. Nous semblons tous vouloir la même chose : un pays stable et prospère qui ferait de nous des haïtiens fiers d’en porter l’étendard. Mais nous restons tous englués dans ce chaos qui ne semble profiter cependant qu’à un petit groupe de gens, étrangers et nationaux qui ont peur de notre force si jamais nous deviendrions unis et bien organisés. Il faut chercher à qui profite la débandade sociale et par qui elle perdure , puisque plus ça dure, plus ça semble devoir encore durer. On a observé maints changements cosmétiques au cours de ces derniers mois. Mais aucun d’eux n’a su combler les attentes de la population. Car, plus ca change plus ça reste le même. Plus la machine cherche à se réinventer, plus elle s’enlise dans des contradictions qui finiront par la torpiller.
Comme si le pouvoir était l’affaire d’un petit groupe, on voit tel individu muter d’un poste A à un poste B après avoir donne la pire des performances à sa fonction antérieure.
La république devient une affaire entre copains où il faut toujours ménager à ses alliés une sortie en douceur. Le pouvoir se recycle constamment et ne fait aucune ouverture pour les jeunes cadres qui veulent une carrière dans l’administration publique. Pourtant, l’implosion du systeme, vermoulu et ronge de l’interieur, semble etre deja enclenche. Parlant du Kidnapping qui s’abat sur le pays depuis des mois et des années, il a connu un nouveau sommet cette semaine avec les 17 otages Américains et Canadiens qui sont aux mains des ravisseurs. Si les Américains devaient payer une rançon pour la libération de ses sujets détenus par des kidnappeurs, ils ouvriraient une véritable boite de pandore et un nouveau marché encore plus juteux pour les kidnappeurs. Or, ils ne peuvent rester les bras croisés .On comprend alors qu’on s’achemine tout droit vers une confrontation. La solution du problème ne passe pas par une suspension des vols allant et venant des Etats-Unis d’Amérique, cela pénaliserait injustement le citoyen moyen qui brave tout pour visiter un membre de sa famille resté au pays. Elle passe par un meilleur contrôle des cargaisons d’armes qui laissent le territoire américain sans que ces derniers n’en fassent rien. Elle passe aussi par une poursuite de ces malfrats et des familles à la solde desquelles ils travaillent. Ils disent n’avoir jamais quitté le pays et ils n’auraient jamais tant d’argent pour s’acheter de telles armes si elles ne leur avaient pas été apportées jusqu’à leurs lieux de retranchement. Les jours qui viennent seront encore plus sombres que ceux que nous avons déjà connus jusqu’ici. Mais c’est notre pays à nous, nous n’allons pas le laisser aux autres. Il n’y a nul autre endroit au monde où nous puissions nous sentir chez nous que lorsque les troubadours nous saluent à l’Aéroport avec leur grage, leur tchatcha , leur tambour , leur nanumba et j’en passe. Voila pourquoi Nous devons tous tout faire pour sauver le pays !!.
Ronny Jean-Mary, M.D.
Coral Springs,Florida.
Le 24 octobre 2021