LES OBSTACLES AUXQUELS LE PATIENT HAITIEN FAIT FACE TOUS LES JOURS AUX EUA..
Au prime abord, on voudrait tous croire que l’Haïtien vivant aux états –unis d’Amérique jouirait d’une bonne santé et a un environnement sanitaire nettement différent et bien plus en adéquation avec ses besoins par rapport à celui qu’il a laissé derrière lui en foulant le sol des Etats-Unis d’Amérique . Cela est vrai si l’on s’en tient à l’éventail de moyens technologiques et de matériels logistiques que la gente médicale utilise dans ce pays et qui sont mis à la disposition des patients en général. Dans les pays du tiers monde, chez nous en particulier, le strict nécessaire fait souvent défaut tellement la part du budget allouée à la santé représente un faible minimum de (4%) malgré les premiers ministres médecins qui se sont succédé au pouvoir ou qui ont gouverné ce pays de temps à autres..On verra cependant que tout dépend de la manière dont les nombreuses ressources et les matériels médicaux sont utilisés, et comment les rapports humains savent jouer un rôle prépondérant dans l’élaboration de soins de santé adéquats pour une population déterminée. Si cette panoplie de matériels doit faire du bien à la société, elle doit être guidée avant tout par une conscience claire et limpide des besoins et des spécificités rattachées à cette population. Science sans conscience disait Rabelais, n’étant que ruine de l’âme…Cela fait penser à certains contrastes qui sont souvent notoires dans la vie de tous les jours. L’individu peut être en proie à de la plus profonde solitude même lorsqu’elle est entourée d’une foule nombreuse ; De même le dénuement et la misère peuvent s’observer même au sein de la plus abondante des richesses..Tout ceci, c’est pour nous dire Les patients haïtiens n’ont pas toujours été bien desservis par le système sanitaire en place aux Etats –unis, ou mieux qu’ils n’ont pas toujours su en tirer les meilleurs avantages possibles. J’ai eu la chance de côtoyer mes patients haïtiens pendant toute la durée de ma vie professionnelle aux Etats unis d’Amérique, la seule terre où j’ai exercé ma profession en dehors d’Haïti .Et Je suis parvenu aux conclusions que voici. le premier problème auquel le patient Haïtien a toujours eu à faire face est celui de son adaptation au système. Mais c’est avant tout un problème culturel. L’Haïtien attend les dernières minutes pour se présenter à une clinique ou à un centre de santé. Il pense toujours que le problème se résoudra de lui-même et qu’il n’a pas besoin de recourir aux bons offices d’un professionnel.
Il a un problème de langage où les termes que le clinicien utilise ne sont pas toujours bien compris ou clarifiés. Il vous arrive souvent d’entendre le patient vous dire qu’il n’a pas de problème de tension artérielle ou de Diabètes. Pourtant en étalant la panoplie des médicaments que le patient reçoit, on réalise qu’il est sous traitement antidiabétique ou anti hypertensifs depuis pourtant des lustres. De plus, le langage raffiné du médecin, qu’il soit haïtien ou étranger, souvent ne correspond pas au degré d’éducation du patient. C’est un peuple en majeure partie analphabète, utilisant souvent un vocabulaire restreint où des mots essentiels peuvent résumer ou comporter toute une série d’autres termes avec bien entendu des significations différentes.. Gaz , douleur, gonflement par exemple , peuvent signifier un tas d’autres choses qui confondent même le clinicien le plus avisé..
Certains des patients avec des besoins urgents de soins médiaux sont parfois gardés par le praticien jusqu’au dernier moment avant d’être référés à un spécialiste. Faute de comprendre exactement la vraie nature du problème. Ce qui retarde la guérison et expose à des complications qui étaient pourtant évitables.. Un Jeune diabétique qui a attendu trop longtemps avant d’être référé à un service de soins appropriés pour le suivi de sa plaie , a failli perdre un de ses pieds, n’était-ce la patience et la dextérité d’une infirmière qui prit sur elle d’accompagner le malade tout au long du processus.
Il y a aussi une sur médication des patients où souvent le nom générique et le nom commercial se retrouvent dans une même ampliation ou prescription. Cela expose le patient à un surdosage s’il n’est pas mis du temps à presque chaque visite pour décanter la liste des médicaments que reçoit le patient. Ajoutée à cela est la tendance des chaines de pharmacie à exiger de plus en plus des livraisons en série portant sur trois à six mois sous prétexte que cela coutera moins cher aux patients. Il ya bien des risques à donner toutes ces pilules à un patient en même temps, surtout s’il a des problèmes mentaux ou s’il est âgé et ne peut user d’assez de jugement pour les utiliser à bon escient. Certaines de ces médications, tel le phénobarbital généralement utilisé pour les épileptiques, peuvent conduire à un phénomène dit d’automatisme où la personne se met à reprendre le même médicament encore et encore sans se rappeler qu’elle a déjà pris la dose initiale. Ce qui peut conduire à des cas d’intoxication aux conséquences imprévisibles.
La croyance dans le surnaturel qui porte le patient à explorer toutes les autres options avant de s’avouer impuissant dans ses démarches et de venir chercher de l’aide chez un professionnel. Les parents d’un patient à moi ont payé près de dix mille dollars à un devin de la place pour aider ce dernier à exorciser de lui un malin esprit dont il se croyait possédé.. En fin de compte, il s’agissait d’un problème purement mental. Et depuis que le patient a été placé sous potion anti manique appropriée, il se porte mieux et a même pu reprendre son bouleau.
Faut il avancer qu’il y a eu une certaine quantification à outrance des patients en tête de bétail à partir de la quelle ces derniers sont manipulés à toutes fins possibles sans la possibilité de participer au traitement. Beaucoup sont ceux-là qui arrivent à une clinique de spécialiste sans savoir la vraie raison pour laquelle ils avaient été dépêchés au près du spécialiste. Cela est surtout retrouvé chez les plus de soixante cinq ans pour lesquels la clinique du praticien a été transformée en un second foyer où ils passent toute la journée à regarder à la télé en attendant qu’on revienne les chercher pour les ramener chez eux. à la fin de la journee.il faut reconnaitre que cela n’est pas une mauvaise chose en soi puisqu’il accorde une certaine marge de manœuvre aux parents du patient qui ont besoin du temps pour vaquer à ses propres activités.
Nous n’avons fait qu’énumérer certains des problèmes dont souffre le patient haïtien, particulièrement ceux ou celles du troisième âge qui souvent arrivent tard au pays, et qui ont souvent besoin de toutes sortes d’encadrement tellement l’adaptation peut se prouver difficile pour plus d’uns. A l’intérieur des hôpitaux le problème est presque pareil mais des cours de sensibilité culturelle sont de plus en plus recommandés à ceux récemment embauchés pour leur permettre de mieux accorder leur monde à eux à celui du patient dont ils ont la charge. Beaucoup parlent encore du médecin qu’ils avaient quitté là-bas, avant de rejoindre leurs enfants en terre étrangère. C’est toujours une bonne nouvelle pour moi d’entendre un patient dire du bien d’un confrère. Cela me porte toujours à vouloir faire mieux et à chercher à émuler la conduite d’un tel médecin. C’est un sujet d’une grande importance sur laquelle il faudra revenir des fois et des fois encore.
Ronny Jean-Mary, M.D. Coral Springs,Florida.
Le 5 décembre 2021