Article dédié à Marie-Claude Rigaud St. Jean, M.D.
Membre de nombreuses académies de psychiatrie du pays,
fondatrice de Rebâti santé mentale Haïti. Jouissant aujourd’hui d’une retraite bien méritée.

LES CONTOURS SUBTILS  DE L’ANXIETE.

Dans une récente publication du newsletter, nous avons discuté de la  thématique de l’anxiété  d’un point de vue longitudinal. Nous avons parlé  des différents processus pouvant conduire au Post Traumatique Stress disorder en passant par le syndrome du  stress disorder aigu. Nous avons dit qu’une fois que les symptômes du stress avaient duré au delà d’un certain temps, cela pouvait conduire au PTSD. Et nous avons abordé le problème d’un point de vue de cause a effet..Certains facteurs avaient même été  évoqués dont le viol, les déluges, les incendies majeures, les guerres, les déplacements de population et, dans notre cas, les  tremblements  de terre et les kidnappings. Bref il s’agissait de tout  type de catastrophe  qui pouvait avoir un impact psychologique à court ou à long terme sur le comportement tant physique que mental  de l’individu..Nous n’avons pas trop  expliqué d’un point de vue génétique  ou neurono- physiologique  comment  le problème était parvenu à prendre corps et à devenir partie intégrante de la personne alors victime  du trauma psychologique. Qu’il s’agisse d’un  simple acte d’intimidation ou d’une agression physique plus sérieuse, le corps a sa façon à lui de réagir  et de se prémunir contre un tel acte. Cette infraction  peut cependant  devenir pathologique, sous forme de  manifestations externes si elle n’est pas corrigée à temps. C’est dans ce déterminisme structural tantôt patent, tantôt larvaire  que nous allons nous plonger pour explorer  tant d’un point de vue moléculaire  que  d’un point de vue neurophysiologique ,les  facteurs épi- génétiques  soutenant, tel un arc sous-tendant  un bout de cercle, le phénomène du stress  et des régulations en amont susceptibles d’en réduire l’impact.

D’abord, tout commence par le reflexe de la peur .Lorsqu’un élément terrifiant  arrive de l’extérieur, le corps, pour se protéger, réagit  par des gestes bien coordonnés qui lui permettent de s’abriter  contre l’assaut du monde extérieur..Les yeux sont automatiquement fermés si l’agression est proche du visage et les bras et autres membres du corps sont aussitôt déployés dans une tentative de protection des  organes du corps..Cette agression  que subit le corps voyage vers l’amygdale à travers des fibres afférentes ou sensorielles où elle s’intègre  avec d’autres influx  venus du cortex préfrontal, zone  ventro-médiale  (VMPFC)  et de l’hippocampe..L’amygdale développe une mémoire du stimulus en augmentant l’efficacité d’action des neurotransmetteurs à  base de glutamate qui sont dans le cerveau. Le VMPFC et L’HIPPOCAMPE  peuvent jouer  un rôle de contre- poids à l’action d’intégration opérée  par l’amygdale, empêchant à celle-ci de  développer une certaine mémoire du stress..Quand cette suppression n’a pas lieu, la peur se développe et se solidifie causant ainsi un phénomène dit de conditionnement par rapport a cette peur….En termes plus simples, si je vois une couleuvre  et que j’éprouve une certaine frayeur par rapport à cette couleuvre, la prochaine fois que je serai exposé de  nouveau à cette couleuvre ou à toute autre couleuvre, si j’éprouve les mêmes sentiments de frayeur, c’est que l’amygdale avait bien pris le dessus sur les influx de l’hippocampe et du cortex préfrontal et ventro médial. Je suis alors conditionné par cette peur. Si au contraire, je ne ressens rien de cette soi-disante  effraction, c’est grâce aux influx  de l’hippocampe et du VMPFC..Ce même conditionnement peut être aussi effacé du psyché  si d’autres objets sont présentés en même temps que le stimulus, réduisant ainsi son impact, et ramenant  progressivement à une extinction de la peur. La D-cycloserine, tout comme la ket amine, entant que co-agonistes des récepteurs NMDA qui sont à base de glutamate, peuvent jouer un rôle aussi bien  dans l’entretien de la peur que dans son  extinction ,à condition que, dans le second cas, ces substances  soient pariées  à d’autres stimuli qui réduisent l’impact de l’élément agresseur. C’est ce que nous verrons dans la thérapie dite d’exposition à l’agent offensant.

Quand la détresse est prolongée et que la personne est irritée,  fâcheuse et  en colère pendant un temps plus ou mois long, il y a une réduction du volume de l’hippocampe, et une destruction des facteurs neurotrophiques du cerveau communément appelés BDNF ou ‘’ Brain  Derrived  Neurotrophic Facteurs’’. Qu’on se rappelle le rôle  joué par l’hippocampe  dans l’extinction du phénomène de conditionnement. Cette réduction dans la production du BDNF au niveau des gènes en proie à un stress chronique va  réduire la capacité de créer et de faire fonctionner les  neurones du Cerveau.

Ce reflexe est inné ,il apparait à la naissance  sous forme de  reflexe de  Moro où le nouveau né, la tête soulevée, sans déplacer le corps du placard, ,va ouvrir ses  bras en  dehors du corps et garder les mains en flexion  tout en effectuant une  grimace, ou en pleurant  pendant une minute ,aussitôt  qu’on laisse tomber la tête en arrière sur le placard.

Mais l’imminence d’un danger ne se traduit pas uniquement par un reflexe de frayeur, il y a aussi un signal qui se déclenche  au niveau de l’axe pituitaire-hypophysaire, où le gène CrH responsable de la formation de l’hormone glucocorticoïde  va entrer en jeu. Généralement moins de stress conduit à la formation de très peu  de peptides , donc à moins de glucocorticoïdes qui sont formés et qui sont délivrés. Tout comme  l’exposition à un état de stress prolongé durant les premiers moments de l’existence , soit au cours de l’enfance, est capable non seulement de réduire le taux de BDNF mais de modifier l’expression du gène CrH en l’amplifiant , rendant difficile le traitement de certains états de stress même  après des années de traitement….Autant dire que lorsque le traitement contre le stress est administré très tôt après, voire au moment même de l’assaut, cela peut prémunir contre l’expression de gènes bien plus pathologiques comportant un plus grand risque à l’avenir..Il a été aussi prouvé qu’en bloquant les récepteurs liés au CrH, il était possible de normaliser la fonction de l’hippocampe chez l’adulte. C’est pourquoi, traiter des cas de dépression avec des  corticostéroïdes antagonistes des temps après que  l’individu avait été exposé au trauma a toujours été sans grand résultat.

 QU’EN EST-IL DU TRAIMENT DE L’ANXIETE ?

En général, il existe plusieurs types de médicaments qui sont utilises dans le traitement de l’anxiété..    En  fait, le plus tôt que l’on commence avec le traitement, plus bénéfique en sera la portée..il faudra aussi se rappeler que chaque circonstance requiert une approche particulière .s’il y a les maladies avec des dénominations et  des symptômes bien définis, les malades ont souvent  chacun une histoire dont il faut tenir compte. L’histoire de chaque cas est ce qui va déterminer la conduite à tenir. Il est en général recommandé de penser à un b-bloqueur  dont le Propranol , pour empêcher à  un processus de conditionnement par rapport au stress de s’établir. Le plus vite que l’on utilise les B- bloqueurs , c’est  le plus de chance que l’on a de réduire les risques subséquents de détérioration du cas en question .Les sérotonines ré-uptake  inhibitors(SSRI) ont la vertu de faciliter la production des Brain Derrived Neurotrophic  Facteurs ou BDNF qui réarrangent les synapses et facilitent  la communication harmonieuse entre les récepteurs pré-et post synaptiques. Si les NMDA agonistes tel les la  ket amine et la D-Cycloserine sont utilisées conjointement avec la thérapie cognitive, particulièrement avec la thérapie d’exposition , elles peuvent faciliter l’extinction du conditionnement. Disons en passant que dans cette thérapie d’exposition, l’individu est confronté au stimulus agressif  d’une manière qui le rend moins inconfortable cette fois –ci  que lors de la  rencontre initiale. Regarder passer un chien qui est bien sécurisé par une bandelette (well  leached) lui fera comprendre que tous les chiens ne sont pas à sa recherche pour le dévorer. Cela aura la capacité de le réassurer à l’avenir quand il verra  passer d’autres chiens. Les benzodiazépines, particulièrement celles de groups Gamma alpha 2,3 et 5 sont particulièrement recommandées pour l’anxiété. Toutes les benzodiazépines ne sont pas nécessairement des anxiolytiques. Celles de type gamma Alpha 1 sont plutôt des sédatifs et des calmants qui aident avec le sommeil et peuvent causer  l’hypotension..Dans cette  dernière classe se retrouvent en tête de liste le Temazepam, l’oxazepam et le triazolam.

A part  les médicaments, il serait une omission grave de ne pas penser à la psychothérapie comme partie intégrante du traitement de l’anxiété .La principale méthode utilisée avec succès jusqu’à date est la restructuration cognitive qui invite la personne à jauger sa peur  ou ses reflexes vis-à-vis du facteur provoquant ou intimidant .Cette thérapie contient six démarches ou étapes qui consistent :

1) A identifier le facteur qui cause la peur.

2) A apprécier sur une échelle de 0-100 le degré de peur ressentie par l’individu.

3) A identifier ses propres élans d’automaticité par rapport à cette peur.

4) A déterminer par rapport à son comportement les facteurs qui sont pour ou contre un tel degré d’automaticité.

5) A générer une réponse par rapport a ce que l’on ressent et,  6) A reconsidérer ou réapprécier dans quelle mesure son degré de frayeur est bien fondé ou non.

Ajoutons pour finir que ce canevas n’englobe nullement tout ce qui peut se dire sur l’anxiété, ses  corolaires et son traitement, tellement le phénomène est complexe..Dans le cas de PTSD par exemple, le premier médicament reconnu et documenté pour être efficace est le Paroxetene ou Paxil. Mais ce sont les b-bloquer qui remportent la palme en ce qui a trait au traitement préventif du PTSD. Malheureusement, le Paxil , tout comme le Prozac ont une forte incidence de PNAS ou post natal adaptation syndrome qui peut inviter à d’autres considérations en cas de Grossesse. Le Zoloft dans ce cas, quoique insuffisamment investigué, serait plus approprié. Dans les cas d’OCD, les doses doivent être bien plus élevées que d’ordinaire. Le Clomipramine peut aller jusqu’à 250 mg par jour, le prozac à 120mg, le Celexa a t été révisé à 40 mg , le Escitalopram à  60mg, le fluvoxamine 450 mg (another  SSRI non recommandé dans le traitement de la dépression aux Etats-Unis, alors qu’il est utilise comme antidépresseur en Europe’) le Zoloft peut aller jusqu’à 400 mg par jour.et le paxil à 100 mg.

L’anxiété affecte un grand pourcentage de la société Américaine (19%).Elle est, avec l’insomnie (30%)et la dépression(9.5% de la population adulte de plus de 18 ans) de  graves problèmes de santé mentale aux EUA. Elle a des conséquences énormes sur le reste du corps   et sur la santé en général. Elle doit être adressée  de très tôt .Car lorsqu’elle n’est pas traitée à temps, elle peut grandement t nuire à la qualité de vie de la personne qui en souffre. Elle force les uns à conduire leur véhicule  localement par peur de se retrouver en mode panique au moment d’être sur l’autoroute. Elle nuit à l’écolier qui a peur de fréquenter la salle de classe, et de se retrouver avec ses camarades. Elle fait mouiller de sueur le chef d’entreprise qui doit s’adresser à ses employés. Elle gâche le sommeil de l’humble citoyen quand elle ne le force à se réveiller plusieurs fois de suite sans pouvoir s’assurer que la porte est fermée

Ronny Jean-Mary, M.D.                                                                                                        Coral Springs,Florida.
Le 2 avril 2022

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