DELIRIUM UNE PATHOLOGIE QUI ARRIVE BRUSQUEMENT MAIS QUI S’INSTALLE LENTEMENT.
Dans la chronique de cette semaine, nous aimerions débattre de la thématique du delirium, une condition qui affecte les deux âges extrêmes de la vie, dont les enfants et les moins jeunes, et particulièrement les gens du troisième âge. La condition s’installe lentement, due souvent à une cause médicale et atteint les sphères les plus spécialisées du cerveau. .Souvent la personne fonctionnait admirablement bien et remplissait sans équivoque toutes ses activités journalières pour se réveiller soudain avec des troubles de la mémoire, des troubles du langage et une complète désorientation par rapport a son environnement. La personne va jusqu’à développer des troubles dans son comportement qui forcent son entourage à aller le faire soigner. Delirium est aussi bien connu de la médecine que les autres pathologies plus fréquemment décrites dans les ouvrages de médecine. Déjà Hippocrate parlait de cette condition voila plus de deux mille ans..Mais elle souvent ignorée jusqu’à ce qu’elle arrive soudainement pour causer une panique presque généralisée. Cette panique est d’autant plus justifiée que la condition a besoin d’être soignée à temps, sinon elle peut laisser des séquelles irréversibles . La pathologie commence à susciter des appréhensions lorsque la personne ne se réveille pas un bon matin et reste accrochée à son lit. Elle se met à gazouiller et les mots, malencontreusement, sont incompréhensibles. Si elle arrive à se relever du lit, la personne trébuche et n’a aucune notion du temps, de l’espace et des personne de son entourage. On commence aussi à déceler des changements dans son comportement. Il est incapable de s’habiller proprement et met ses vêtements à l’envers.il peut prendre la sortie de la maison sans savoir où il va. Son attention ou sa réceptivité est à son point plus bas. Il peut même devenir combatif, démontrant quelques symptômes d’hallucinations qui inquiètent davantage ses proches. Alors, de quoi souffre-t-il ? Et c’est quoi le Delirium ?
DEFINITION.
Le delirium se définit comme étant un changement brusque de l’état mental d’un individu amenant à une altération des facultés cognitives de ce dernier, et à des changements dans son comportement. .La différence d’avec les autres maladies neurocognitives telles que l’Alzheimer, le parkinson etc., est le développement fulminant de la maladie alors que dans les autres conditions précitées, il y a une installation progressive, à petits pas de la pathologie en question…
CAUSES ET FACTEURS. :
Les causes du delirium sont multiples. Toute dérégulation au niveau du corps ou du cerveau peut conduire à de telles conditions.
A) Chez les gens qui ont plusieurs conditionsmédicales, pour lesquelles ils reçoivent plus de trois ou quatre médicaments, la possibilité que ces médicaments interagissent entre eux et causent des complications, reste un facteur indéniable.. Par un phénomène dit d’inhibition, lorsque deux médicaments ont le même substrat, et dont l’un est un inhibiteur de l’autre, l’inhibiteur peut réduire le métabolisme de ce dernier, causant ainsi son accumulation et sa toxicité. Disons que dans les cas d’inhibition ou d’induction d’un médicament par un autre, les risques sont moins grands et moins sévères avec le médicament induit par l’ autre .Car, il y a toujours les métabolites du médicament induit ou suractivé qui restent dans le plasma pendant un certain temps empêchant ainsi des phénomènes de retrait rapide du médicament. Soit dit en passant que certains médicaments peuvent causer des intoxications par un phénomène dit « d’automaticité » où la personne oublie et continue à prendre la même dose plusieurs fois de suite dans la journée, causant ainsi une intoxication.. Cela se voit chez les épileptiques ou tout autre individu traité avec du phénobarbital.
B) La déshydratation d’un individu due au manque de consommation d’eau, parfois résultant d’une détérioration des papilles linguales et de la perte de sensation gustative, peut être aussi un facteur incriminant dans le delirium,
C) Les infections de tout genre, entre autres les infections urinaires, la pneumonie, les sepsis peuvent conduire au delirium.
D) Le vieillissement des organes, dont le rein et foie, souvent conduit à des taux élevés d’urée et d’Ammoniac, affectant le cerveau par leurs effets, et causant ainsi le delirium.
E) les troubles visuels Chez les vieux ont aussi été incriminés dans le développement du delirium et semblent, sinon provoquer le phénomène, du moins l’aggraver..
F) les substances récréatives, les drogues, l’alcool sont autant de « culprits » à ne pas passer sous silence.
G) enfin les troubles électrolytiques ou les déficiences nutritionnelles y compris le Na+ et le Ca++ et les avitaminoses type B surtout, peuvent être responsables de Delirium
G) Enfin chez les enfants, l’intoxication au plomb est une cause assez fréquente de delirium.
Ce n’est là qu’une énumération sommaire des causes métaboliques, médicales ou autres susceptibles de provoquer le delirium.
PATHOPHYSIOLOGIE..-
La théorie la mieux connue ou la plus explorée est celle du déséquilibre qui surgirait entre : la Norépinephrine et l’acétylcholine, deux neuropeptides à fonctions variables agissant tant au niveau du système nerveux central qu’en périphérie. L’acétylcholine est impliquée dans la mémoire et l’attention via ses récepteurs muscariniques.. Le delirium serait dû à une baisse d’activité de l’acétylcholine et à une plus grande activité de la norépinephrine, rompant ainsi l’équilibre naturel entre les deux, dans leur rôle de contre balancier de l’un par rapport à l’autre. Les tenants d’une telle hypothèse avancent que la région préfrontale du cortex cérébral contient à la fois des pathways pour l’acétylcholine et pour la dopamine avec des ramifications périphériques aux mêmes endroits. La simple différence serait que dans le cas de l’Acétylcholine les récepteurs sont de deux ordres : les récepteurs nicotiniques qui agissent en périphérie et les récepteurs muscariniques de l’acétylcholine qui exercent leur action au niveau central. Du point de vue pharmacologique, il est connu que les récepteurs D2 de la dopamine, lorsqu’ils sont bloqués par des neuroleptiques, donnent les effets anti-cholinergiques de tachycardie, d’hypotension d’hyperthermie et de constipation .Cela semble aller beaucoup plus dans le sens d’une synergie des deux neuropeptides à savoir l’Acétylcholine et la dopamine. Car, ce qu’on observe en fait, c’est un blocage des récepteurs D2 qui causent automatiquement une réaction avec des symptômes anti cholinergique. Donc la théorie de contrebalance de l ‘un par rapport à l’autre ne se tient pas tout a fait debout. On dit aussi que d’autres médicaments à base de sérotonine sont aussi capables de produire les mêmes effets d’à coté quand on les prend séparément..Donc si la théorie est plausible anatomiquement, elle est en reste lorsqu’il s’s’agit d’expliquer les symptômes à eux seuls. De plus , ces mêmes médicaments anti-sérotoninergiques sont capables d’impacter positivement la mémoire et l’attention quoique à un degré moindre. On avance aussi que les récepteurs NMDA à base de glutamate ont leur rôle dans la formation de la mémoire. Tout cela est pour dire que les symptômes peuvent ne pas être dus à une simple affaire de déséquilibre entre l’Acétylcholine et la norépinephrine observé dans le déclenchement du delirium. D’aucuns pensent que dans le phénomène de delirium, il y a plus de deux substances à rentrer en ligne de compte, et qu’on est encore loin de tout savoir sur le delirium.
LABORATOIRES : Toute une batterie de tests devra être menée pour détecter s’il y a des anomalies à corriger. Des spécimens d’urine et de sang devront être collectés pour analyse, culture et toxicologie (ammoniac, urée, etc.).
Head Ct scan peut ne rien montrer..
Un Electro -encéphalogramme peut montrer quelque fréquence et amplitude de bas niveau Delta –Thêta dans les cas d’encéphalopathie hépatique ou de bien d’autres causes. .
CONDUITE Ā TENIR :
La première chose à faire sera de supprimer l’agent offensant s’il s’agit d’un médicament. Il faudra maintenir la personne sous bonne perfusion et les troubles électrolytiques devront être corrigés. Même en cas d’agitation, les sédatifs et les benzodiazépines devront être évités. Car, rappelons en passant que les Benzo ont un effet délirogénique et peuvent compliquer davantage le problème..
Pour les cas d’agitation, Seroquel ou Quétaine, un antipsychotique de seconde génération, est préférable à l’halopéridol et au riperidone.
Réorienter la personne de temps à autre et maintenir une horloge dans la chambre peut aider à cet effet. Eliminer au maximum les stimuli et les bruits de l’environnement du malade est plus que recommandé.
CONCLUSION.
Delirium est une condition qui doit être reconnue à temps. Il arrive aussi bien en milieu hospitalier qu’à la maison ou dans les Nursing homes. Dans les hôpitaux, à la suite d’une intervention chirurgicale, les patients doivent être mobilisés rapidement pour réduire un tel risque qui est aussi présent lorsque l’hospitalisation est prolongée. il n’est pas une urgence psychiatrique et les problèmes médicaux doivent investigués extensivement avec tous les examens et les résultats de laboratoire en main, avant de consulter la Psychiatrie. Le retard mis à traiter promptement le malade peut être fatal. Et le taux de mortalité dans les cas de delirium est aussi élevé dans les hôpitaux que pour ceux qui y sont admis avec un infarctus du myocarde. Les jeunes adultes sont moins affectes par la condition .Les cas de delirium coutent au système d’assurance Medicare (6) six à(7) sept billions de dollars annuellement en termes de traitement à apporter aux patients.
. La condition peut ne pas être en première ligne des diagnostiques différentiels et des autres pathologies fréquemment rencontrées. Mais il ne doit être ignoré parce que toujours fatal s’il n’est pas traité à a temps.
RONY JEAN-MARY, M.D.,
CORAL SPRINGS,FLORIDA,
Le 12 SEPTEMBRE 2022