HAITI 2022,UNE AUTRE ANNEE DE GASPILLEE
Au seuil du nouvel an 2023, et à l’occasion surtout de cette toute première édition de notre journal, je voudrais souhaiter une année de paix et de tranquillité à tous nos chers compatriotes tant de la diaspora que de la mère- patrie.
L’année 2022 a été l’une des plus difficiles que le pays ait jamais connues. Même les touristes locaux ont fui Haïti à cause de l’insécurité grandissante devenue le lot quotidien de tous les citoyens de ce pays..Dans le même ordre d’idées, la république Dominicaine a réalisé des milliards de dollars dans sa seule industrie touristique alors que nous autres, nous n’avons rien fait de nos belles plages et de notre soleil à profusion. Nous sommes traqués et capturés comme des bêtes sauvages, parfois par des inconnus, mais souventes fois aussi par des membres de notre famille ou de notre entourage qui nous livrent à eux ou qui nous ont pointés du doigt.(ici le mot en vogue est « coup de doigt ou koutt dwett: ») Beaucoup ont recouvré leur liberté à la suite d’une dette contractée au près d’une tierce personne pour sauver leur vie , ou en consentant de lourdes hypothèques sur des biens dont ils espéraient enfin pouvoir en jouir les dividendes. Pour eux, c’était à tout recommencer, dans un contexte bien plus ambigu d’un âge plutôt mur mais hésitant qui ne confère plus ni la force ni la fougue des temps d’un âge plus jeune..Et à force de nous traiter en parias, nous avons fini par croire que tous ses sommes des fils bâtards, et par nous comporter en tant que tels..Nous mettons des marionnettes à la tête du pays, nous acceptons d’eux n’importe quoi. Et même lorsque les autres, y compris le voisin ou l’étranger, nous crachent dessus, nous sourions gentiment, et nous leur tendons l’autre joue. .
Nous avons aussi vécu au quotidien le spectacle hideux de ces hordes d’haïtiens que l’on débarquait quotidiennement à l’aéroport de la capitale ou du Cap Haïtien comme si c’étaient des bons à rien ou des damnés de la terre dont partout on voulait se débarrasser. Pourtant c’étaient des frères, des haïtiens qui comme vous et moi, aspiraient à un mieux-être et à qui pourtant la fortune n’avait pas souri.
Les policiers tombés sur le champs d’honneur, les professeurs d’université attaqués en pleine rue, les médecins tués en plein exercice de leur fonction, les infirmières, les employés de banque, les techniciens de tous ordres, ont tous fait partie de cette campagne d’intimidation et de terreur perpétrée à dessein dans le but de détruire l’âme nationale et réduire à néant l’espoir de tous ceux –là qui croyaient encore en l’avenir de ce pays. On voulait croire au tout début que c’était pour des raisons économiques que l’on cherchait à nous maintenir dans une telle psychose de peur et de terreur, mais on a fini par comprendre que l’insécurité est aussi politique avec des visées purement déstabilisatrices.
Depuis plus deux ans, les quatre départements du Sud, du Sud-est, du Sud-ouest et des Nippes du pays sont coupés de la capitale, Et personne n’ose emprunter la route de Matissant. De même, les gangs ont bloqué le Nord, le Nord-ouest, le Nord-est, l’Artibonite et le centre, respectivement via Canaan et la Croix des bouquets. Maintenant ils gagnent les hauteurs de Pétion ville, de La boulle, de pèlerin et des zones avoisinantes. Il s’agit ici d’une véritable stratégie d’encerclement dont les autorités en place ne semblent comprendre la portée. Dans quel autre pays au monde aurait –on- assisté à une telle démission de l’Etat ou des institutions étatiques ?
Quant à la crise politique qui persiste depuis des années dans le pays, les jours et les semaines, les mois et les années se sont succédé, sans que l’on puisse trouver une issue heureuse à cet imbroglio dans lequel nous nous trouvons tous aujourd’hui ,et qui n’a que trop duré. On semble tous, du coté de nos dirigeants, se mettre dans la tête, que tout va bien, ou du moins inviter madame la Marquise à ne pas s’inquiéter, lors même que l’écurie est en feu et que les animaux sont aux abois. Dans tout pays de femmes et d’hommes intelligents, on aurait déjà réorganisé le service de cabotage entre Port –au- prince et les villes côtières pour réduire tant soi peu le goulot d’étranglement imposé sur la capitale par les gangs armés. De même les aérodromes des Cayes, de Jacmel, de Hinche et de Jérémie et de Port de paix seraient améliorés en conséquence. Ce, pour palier à tout obstacle rencontré au niveau de la route. Malheureusement nous ne sommes pas un peuple qui pense et réfléchit au même niveau que tous les autres. Le reste du pays ne semble pas avoir trop d’importance pour les grands barrons de la république de Port-au-Prince.
Au fil des ans, le mot Haïtien est devenu Synonyme d’incompétence, de misère, de souffrance humaine, de laissés- pour- compte, de maudits, et de toutes les connotations négatives dont on puisse nous affubler..On a cherché, tout au long de l’année, sans la trouver, une seule raison de fierté, dans ce lourd héritage d’ « haïtianité » qui nous hante comme des cafards aux quatre coins de l’existence. Nous sommes perdus dans nos illusions et dans nos fantasmes au point de croire qu’il est plus facile d’atteindre les cottes de la Florida par bateau ou par avion que de traverser Matissant ou Canaan pour aller rejoindre les provinces. Nous nous abusons les uns les autres. Nous ne sommes pas sincères les uns envers les autres, ni envers nous-mêmes. Nous avons perdu le sens de ce qui est important .Nous dépensons des millions en appareils de télévision pour couvrir le mondial alors qu’il n’y a pas de solutés ni d’antibiotiques pour assurer les premiers soins dans les services d’urgence de nos hôpitaux et de nos centres de santé.
Nous reprenons la même voie cent fois de suite tout espérant des résultats différents, comme si les mêmes causes ne produisaient pas les mêmes effets. .Les plus grands maux dont nous souffrons sont d’abord notre irrespect des lois et des principes. Nous fonctionnons beaucoup plus dans la pagaille que dans l’ordre. Nous n’avons jamais pu nous soumettre aux lois et aux principes que nous nous sommes nous-mêmes assignés. Notre mal est aussi dans le désir de supplanter les autres et de souvent agir comme si nous étions les seuls à bord. On a tous peur de laisser les autres prendre place à coté de nous.. .Car on sait, qu’eux aussi, ils peuvent ne pas vouloir en descendre dignement le moment venu. Enfin, C’est aussi notre hypocrisie envers nous-mêmes, nous autres élites de ce pays, qui est responsable des malheurs que nous connaissons aujourd’hui. Nous adulons nos amis même lors qu’ils agissent mal. Car Nous sommes une société clanique qui ne fait aucune place à la compétence. Ce sont les mêmes qui improvisent à chaque fois sans faire de projets valables qui s’inscrivent dans la durée.
En effet, Beaucoup de ces médecins et techniciens et tant d’autres qui gagnent valablement et dignement leur vie à l’extérieur du pays, n’auraient jamais eu cette chance de vivre décemment dans leur propre Haiti chérie, malgré les sacrifices qu’ils ont du consentir pour se mettre à niveau. C’est une république de copains et de coquins qui n’ont aucun souci du bien- être collectif. D’où les crises à n’en plus finir que nous vivons dans ce pays… On comprend donc pourquoi l’annonce du Président Joe Biden d’accorder des visas aux ressortissants de quatre pays de l’Amérique latine et des Caraïbes dont Haïti, Cuba, le Venezuela et le Nicaragua ait eu un tel effet à travers le pays. L’enfer c’est ici, et le diable c’est nous. Comme tous les autres peuples de la terre, nous cherchons ailleurs le bonheur et la sécurité que notre pays est incapable de nous offrir. Et nous avons tous le droit de vivre bien chez nous, sans qu’une minorité n’accapare tout et laisse croupir dans la misère le plus grand nombre. Et J’évoque ici le contrat social de Rousseau. Puissions-nous manifester davantage de solidarité envers nos frères démunis. Puissent l’ordre et la loi être enfin rétablis envers et contre tous, et que règnent la paix et la justice dans la cité, ferments indispensables à tout développement intégral de l’humain et de sa communauté !
Bonne année à tous !
RONY Jean-Mary, M.D.
CORALSPRINGS, FLORIDA,
LE 15 JANVIER 2023.