L’aiguille
Icône incontournable de notre civilisation,
simple, élégant, petit instrument,
composé d’un chas et d’une pointe
vrai levier de symboles,
telle la couture de notre drapeau, d’urgence
sur le champ de bataille,
pièce maitresse d’une nouvelle nation.
Pourtant condamnée à un rôle aléatoire,
tantôt étalant le parpaing égalitaire
dans la confection d’habits,
tantôt accentuant le baromètre distinctif des rangs,
esclave, colon, prisonnier, patricien, péon,
preuve tangible de l’habit et du moine.
Toujours le gagne-pain de la couturière et du tailleur,
de finesse touant la pacotille aussi bien que la soie,
docile à obtempérer dans la finition entre les deux,
fiable facilitatrice, mais messagère neutre.
Outil artistique pour la broderie,
production créative captivante, choyant les prunelles
rivées de l’admiratrice d’un design exquis.
Aussi racé que le burin du sculpteur,
le ciselet de l’orfèvre,
faiseurs de chefs-d’œuvre immortels.
L’aiguille ne cesse d’impressionner
de petitesse de taille à grandesse d’éclats,
de simplicité de forme à complexité de l’ouvrage.
Pointe acérée, créatrice
de douleur lancinante et notoire
telle une ronce en dents de scie
avec une imprudente plante de pied,
ou une intrépide paume en quête d’une jolie rose
pour vivifier le cœur d’une amante.
Sa piqûre déplaît autant que l’image décevante
d’une fleur étiolée à la guise
des caprices d’un soleil torride.
Arme blanche aux mains d’un scélérat,
pourvoyeuse de cécité
dans l’espace d’un cillement.
Instrument précis, outil excellent
mais à tour de bras, arme impitoyable.
Enfiler son chas règne comme une épreuve reine
pour la vue, la patience, la détermination.
Une épreuve aisée ou grande,
mais nécessaire de surmonter
pour maitriser l’aiguille
et aller à la prochaine étape de l’ouvrage,
ainsi de suite, de fil en aiguille.
Reynald Altéma, MD.