LA Guerre Russo-ukrainienne :
Un an déjà
Et pour combien de temps encore ?

Quand la guerre éclata le 22 février 2022 entre la Russie et l’Ukraine voisine, tout le monde s’attendait à un dénouement rapide de la crise. Les Russes eux-mêmes  espéraient  rentrer à Kiev en 72 heures et chasser du pouvoir le flamboyant Zelenski avec qui ils avaient bien des mailles à pâtir. Mais les Ukrainiens, aguerris par la guerre sans merci qu’ils livraient dans le Donbass depuis plusieurs années contre les républiques séparatistes de  Louhansk et de  Donetsk, avaient fini par acquérir le know how nécessaire  qui leur a permis de tenir tête aux troupes d’invasion Russes  et de repousser dans une contre- attaque spectaculaire les avancées de ces dernières. La défaite dans certains cas pour l’armée russe était tellement sanglante que l’on prédisait déjà la fin de cette superpuissance que tout le monde considérait comme ayant l’une des armées les plus performantes au monde. Mais on se rendra compte un peu plus tard qu’il ne fallait pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir abattue. L’armée Russe, dans sa guerre avec l’Allemagne , à l’approche  de celle-ci autour de Leningrad, avait déjà utilisé de ces replis tactiques qui confondaient l’ennemi  et assuraient in fine  la victoire des troupes russes.      Depuis tantôt quatre mois , on assiste à une guerre de tranchées où ni l’un ni l’autre ne semble être capable de faire des poussées significatives  ni de dérouter  l’ennemi . Cependant, étant donné l’inégalité des rapports de force entre les deux protagonistes, et considérant le fait que la guerre a lieu en terre Ukrainienne, où les dégâts matériels et les destructions d’infrastructures sont colossales,  la balance est plutôt  penchée du coté  de la Russie  dont la population  de 140 millions  est de trois à quatre fois supérieure  à celle de l’Ukraine estimée à près de 35 millions. Il faut dire qu’en raison des pertes énormes  en vies humaines et des migrations en masse vers des cieux moins troublants depuis l’éclatement de cette guerre, l’Ukraine a été vidée d’une bonne partie de sa population.

Avec cet enlisement observé de part et d’autre, Les experts qui espéraient voir l’Ukraine prendre le dessus, se sont depuis ravisés et parlent désormais d’une guerre d’attrition où  la Russie, depuis Novembre, grignotent des portions de territoire les unes après les autres, sans vraiment déclencher l’offensive majeure qu’on lui prêtait  de vouloir entamer aux alentours  du 24 Février, date anniversaire du début des hostilités…

 

Mais si l’Ukraine a pu tenir jusqu’ici, c’est non seulement à cause de sa combativité et de son ardeur guerrière, mais c’est aussi à cause du support massif qu’elle a reçu de l’occident en particulier  des Etats unis qui ont déjà dépensé près de 75 billions  de dollars en dons et en armement pour aider l’Ukraine à résister à l’agression du grand voisin. De guerre régionale, on semble passer de plus en plus à une phase dite d’internationalisation du conflit où l’occident, en particulier  l’Allemagne, la France et surtout la Pologne et les Etats-Unis sont de plus en plus partie prenante de cette guerre. Certains arguent même de bon droit que  la troisième guerre mondiale a déjà commencé.

Cette guerre n’a pas commencé en 2022. C’est le résultat du coup d’état de 2014 où un président des  régions de Donbass avait été évincé du pouvoir lorsqu’il ne voulait pas couper les liens d’entre l’Ukraine et la Russie comme le lui exigeaient les puissances occidentales. Son renversement a eu comme conséquences immédiates la sécession de Donetsk et de Louhansk, et la saisie de la Crimée par la Russie.

A cette époque, sous la pulsion de l’occident, les manifestations anti-Russe  étaient quotidiennes, et l’on mettait de plus en plus de monde  dans les rues de Kiev jusqu’à ce que le président dût s’envoler vers Moscou  et laisser le pouvoir.

C’était une répétition textuelle de ce qui se passait en Haïti en 2004.

Depuis la sécession de la zone du Donbass, Les régions de Donetsk et de Louhansk étaient pilonnées quotidiennement par l’armée ukrainienne ; De même, leurs populations, en majorité russophones, étaient interdites de  parler et d’apprendre dans la langue russe qui est la leur propre.

En saisissant la Crimée et en supportant les deux républiques de Donetsk et de Louhansk en sécession, le président  poutine donnait à sa façon la réplique à laquelle on ne s’attendait pas, et prenait une sorte de revanche contre le coup d’état de 2014 exercé sur un président pro-russe en la personne de Viktor Yanukovych.            Voilà en gros, ce qui motive le support de l’occident pour l’Ukraine d’un coté, et ce qui a porté  la Russie, de l’autre coté, à sévir contre l’Ukraine qui ne jure que par son entrée dans l’OTAN : quelque chose d’inacceptable pour Moscou. Voilà tout l’entêtement  géopolitique à la base de cette guerre, et qui rend toute solution négociée presqu’impossible à cet stade des faits..

Des deux cotés de cette grille de munitions, de chars lourds et d’armements légers, des  sirènes qui retentissent un peu partout, et de ces  canons qui embrasent le ciel surtout du coté Ukrainien, c’est  une guerre qu’aucune des parties ne peut se permettre de perdre.

Car si l’Ukraine perd c’est tout l’occident qui perd, c’est la tentative d’affaiblissement et d’encerclement de la Russie qui échoue, avec comme corolaire, l’éclatement de l’hégémonie du bloc occidental…

Et si au contraire, la Russie devait perdre, ce serait le renforcement de cette hégémonie occidentale, avec  les Etats- unis en tête, pour un autre demi- siècle de soumission  tout au moins.

Et les pays comme l’Iran, la Corée du Nord, l’Afrique du Sud, la Biélorussie et la chine  qui soutiennent la Russie directement ou indirectement, pourraient  se retrouver désormais dans le collimateur de l’occident.

Dans cette guerre de proxy, par l’Ukraine interposée, Le monde est à un carrefour décisif..Personne ne semble plus  vouloir marcher, tête baissée,  dans cette logique de supériorité occidentale par rapport aux autres courants de pensée.

L’occident arrogant  s’indigne de voir le nombre d’abstentions aux Nations unies lors du vote demandant la condamnation de la Russie. Mais les diverses nations semblaient être  plutôt préoccupées  par la politique de «  deux poids et deux mesures » affichée par l’occident tout au long des autres crises mondiales. Et  beaucoup semblaient dire que la guerre en Ukraine, ce n’est pas leur problème à eux .Ils avaient  peut être en mémoire les guerres de Kosovo, d’Irak, de Syrie ou d’Afghanistan qui n’avaient pas  soulevé autant d’indignations  et de condamnations en occident.

D’autres  avaient à  l’esprit comment, au tout début de la guerre,  les noirs étaient forcés de  descendre des trains qui partaient  d’Ukraine, et combien  79% de français et d’européens  ne voulaient accepter d’arabes sur leur sol au moment de la guerre  en Syrie, alors qu’ils sont aujourd’hui 68% à vouloir accommoder les Ukrainiens chez eux.

Mais à part les pulsions géopolitiques  en soubassement de cette  guerre, il y a aussi des rivalités économiques et commerciales qui transpirent du conflit actuel.la Russie qui vendait du gaz, de l’essence et d’autres produits pétroliers à l’occident , à travers les oléoducs  Nord Stream I&II , était vue comme une menace pour les Etats- unis qui avaient besoin de marchés pour son gaz de schiste ou gaz de roche-mère. A ce jour, nul ne sait comment les deux pipelines avaient pu être sabotées..

 

LES CONSEQUENCES DE LA GUERRE. :

D’abord, ce sont les pertes en vies humaines qui sont colossales de part et d’autre. Des villages entiers sont détruits  et leurs habitants sont ou tués ou déplacés vers des pays ou des frontières lointains à l’abri des zones de combat. Les sanctions de l’union européenne ont affecté  grandement le marché pétrolier au cours des dix derniers mois.la Russie a dû chercher d’autres débouchés pour ses produits pétroliers, surtout avec le sabotage des deux oléoducs qui emmenaient le gaz vers l’Allemagne. Le gaz ne sera plus livré à la Pologne à partir de la Russie dès ce matin du 24 Février 2023 ; Et l’inde, la Chine et la Turquie qui ont des besoins en énergie ont  remplacé la communauté européenne comme  premières zones  d’exportation du gaz  russe.

Si le prix du Gaz a baissée à la pompe aux Etats unis d’Amérique, après les flambées enregistrées   aux tous premiers jours de la guerre, les pays européens qui achètent désormais leurs gaz des Etats unis d’Amérique, sont entrain de les payer à un prix trois à quatre fois plus cher qu’ils ne le recevaient de la Russie.Ce qui explique que beaucoup de pays occidentaux  ont frôlé une récession l’année dernière dont le  spectre plane encore sur l’économie  de ces pays. Il faudra donc  attendre plus longtemps encore, avant de  connaitre les vrais perdants et les vrais gagnants dans cette crise, et si tout au moins les sanctions appliquées contre la Russie ont eu l’effet escompté. Beaucoup pensent déjà  que les  européens se sont tiré une balle à la jambe avec les sanctions imposées à Moscou.

Enfin la crise de famine qui menaçait le monde à cause des stocks de blé et de céréales qui restaient bloqués dans les ports Ukrainiens  n’a pas eu lieu grâce à une entente entre la Russie et la Turquie, puissance dominante de la mer noire…

Que faut-il prévoir de cette guerre dans les douze prochains mois à venir ?.

Une défaite complète de la Russie ? comme l’espéreraient les occidentaux.. Mais cela est d’autant plus improbable quand on sait que la Russie continue de brandir la menace nucléaire à mesure que les jours passent et que la guerre se poursuit.

Ou à l’inverse, une défaite complète de l’Ukraine et sa mise en coupe réglée par la Russie ? Cela n’est pas envisageable non plus quand on sait que les pays européens ont de gros moyens et sont capables de fournir des armes et des munitions à l’Ukraine pour la faire tenir le plus longuement  possible. Sauf que les munitions sont déjà en baisse dans les capitales européennes, et que même avec les chars qui viennent d’être  livrés dont les  léopards allemands de première génération , et les chars Leclerc des français, on n’a pas assez de munitions pour les faire rouler. En ajout à cela, il y a une carence en effectif du coté des ukrainiens dont le parlement a du voter une loi pour rendre obligatoire le service militaire et l’enrôlement dans l’armée  de tous ceux qui cherchent à s’évader  à l’étranger.

Le troisième scenario est celui d’une guerre nucléaire où la vie sur terre cesserait d’exister telle que nous la connaissons aujourd’hui. Je ne crois pas qu’on soit assez fou pour s’élancer dans une aventure aussi suicidaire.

Enfin, il faut espérer que l’on aboutira à une armistice du genre de ce qui a marché entre les deux Corées Nord et  Sud où la guerre, sans vraiment prendre fin, déboucherait sur une zone de démilitarisation avec la Russie occupant le Donbass ou supervisant les deux  républiques autoproclamées  de Donetsk et de Louhansk, ce qui serait encore là une défaite pour l’Ukraine.

Mon impression est que la Russie veut grignoter le plus de territoire possible et continuera dans cette guerre d’attrition pour au moins trois à quatre autres mois avant de parvenir à un accord temporaire..

 

En conclusion, La face du monde a bien changé depuis le 24 févier 2022. Les pays africains sont en éveil au point que le président Biden a dû convoquer un sommet des pays africains pour se faire de nouveaux alliés. La France a été chassée de trois pays africains qui sont entrés dans des alliances avec Moscou. Le BRICS avec Brésil, Russie, Inde, la Chine et l’Afrique du sud,  est en train de se renforcer. D’autres pays plus neutres sur la scène internationale, se constituent en un troisième pôle mondial.

Imaginez, un instant, ce que les 75 billions dépensés déjà par l’administration Biden à elle seule, dans cette guerre de proxy, auraient pu faire de bien à l’humanité !

Malheureusement que derrière tout cela,  nous semblons de plus en plus dépendre de la folie meurtrière d’un groupe d’individus animés du désir d’expansion, et capables de faire basculer le monde dans le chaos à tout moment.         Avec les conflits qui sont de plus en plus nombreux à travers la planète, et la possibilité d’utilisation d’armes chimiques, nucléaires, conventionnelles ou autres, il semble être marqué  minuit moins cinq  à l’horloge de l’humanité. Espérons que le monde se ressaisisse avant qu’il soit trop tard…

RONY  Jean-Mary, M.D.
CORALSPRINGS,  FLORIDA,
LE 24 FÉVRIER 2023.

Return to homepage