CHRONIQUE DU TEMPS QUI PASSE.
En ce mois d’Avril de l’année 2023, les nouvelles sont alarmantes et grisonnantes. Tout ce qui s’annonce dans les medias et un peu partout a travers le monde, ce sont des nouvelles de guerre et de conflits qui surgissent ça et là, et mettent toutes à mal l’avenir et le devenir de l’humanité. On a tous peur qu’un conflit nucléaire ne vienne mettre un terme à l’expérience humaine telle que nous la connaissions de toujours. Les pays du BRICS viennent d’ouvrir leur propre banque de développement avec près de 100 milliards de dollars de réserve pour contrer les poussées hégémoniques de l’occident avec à sa tete les Etats Unis d’Amérique. L’emprise de l’occident, sur cette part de marché et de l’économie mondiale, va être réduite considérablement .Car c’est déjà 40% de la population mondiale et 21% des richesses du monde que les pays du BRICS vont devoir gérer. Et avec beaucoup d’autres pays qui semblent déjà être attirés par cette nouvelle démarche, il y a de quoi s’inquiéter pour le dollar américain adossé au pétrole Saoudien depuis 1971 par le président Richard Nixon .Maintenant que l’Arabie Saoudite vient d’accepter le yuan Chinois pour son pétrole, elle vient d’ouvrir un fossé béant aux conséquences incalculables pour le dollar.
Mais l’actualité cette semaine, c’est aussi la grande fête religieuse que les chrétiens du monde entier sont en train de célébrer en cette fin de semaine.
Nous sommes dimanche aujourd’hui ; Et c’est une journée spéciale .Car, c’est le dimanche de pâques, jour de la résurrection du Christ sauveur et rédempteur… .
C’est une grande fête qui devrait revêtir un cachet tout particulier dans un pays comme les Etats unis d’Amérique, qui se dit chrétien dans sa grande majorité. Pourtant, on ne ressent pas à travers le pays cette ferveur qui aurait pu caractériser une telle journée. Là bas, au pays d’où nous sommes, la célébration commençait dès le jeudi soir, par une messe ou service religieux à l’église, et s’étendait jusqu’à très tard dans l’après-midi du dimanche. Le vendredi était jour Ferrié .Et les écoles organisaient des excursions vers les lieux touristiques du pays. On partait vers les grottes et autres lieux d’attraction des alentours. Certaines écoles visitaient la citadelle Henri Christophe dans le Nord que tout Haïtien aurait intérêt à connaitre. Quand mon lycée s’y rendait, c’était une tradition de laisser son nom quelque part, quelque fois, sur le mur pour rappeler son passage. Quarante six ans déjà… Mais je m’en souviens encore comme si c’était hier
Des fois, l’on parfait vers la frontière pour des échanges avec les Dominicains. Ils aimaient les Haïtiens qui arrivaient et dépensaient dans les bodega quelques gourdes ou dollars pour rapporter avec eux des souvenirs à la maison. Tout comme ils protègent encore aujourd’hui ceux qui pillent notre pays pour aller investir chez eux. .
Plus tard, lorsque vivant à Port-au-Prince, c’était des journées vers les plages nombreuses qui bordent le pays, que l’on organisait tout au cours du weekend de paques.. En ce temps –là, on n’avait pas peur d’emprunter les banlieues Sud ou nord de la capitale pour se rendre vers les plages. Il y avait de la sécurité partout.
La viande était interdite pendant presque toute la semaine sainte qui précédait l’événement. Et l’on se mettait tous alors dans une posture de célébration et de commémoration jusqu’au soir du dimanche. Les mets desservis entre vendredi et Dimanche étaient spéciaux par rapport aux autres jours. Je ne sais pas d’où viennent les œufs, les poissons, la betterave et tout le reste qui se sont infiltrés dans la tradition. Si la viande ou toute chair rouge était écartée du menu , c’était par respect au corps du christ immolé que l’on célébrait en l’occasion. Je sais aussi que dans nos villes de province et à la campagne, le chou palmiste,, sorte de tige jaunâtre élongée, que l’on extrayait de l’arbre lui-même après l’avoir abattu, et que l’on mixait à de la morue, était bien prisé en ce jour du vendredi saint….
Il y avait dans le pays un tas de traditions qui se maintenaient ; et à travers ces traditions, c’était des temps de pause pour se retremper dans sa foi, dans ses croyances et dans son patriotisme.
Le vendredi Saint, C’était aussi la fin du Rara, bien plus connu à Léogane et dans l’Artibonite, mais aussi présent un peu partout dans le reste du pays. C’était un deuxième carnaval entiché de supercherie où des « lanceurs de baquettes » ,les bras serrés ou ornés d’un mouchoir rouge , pouvaient lancer leur baguette dans l’air ,aller s’occuper d’autres choses , et laisser la baguette suspendue sans qu’elle ne soit venue s’abriter contre le sol sous le poids de la pesanteur. La croyance populaire voulait que le bras fût monté de zombis ou d’esprits qui contrôlaient les mouvements en lieu et place du prestidigitateur Lui-même. .Et quand la bande de rara s’arrêtait chez les notables du bourg, on les accueillait avec du clairin , des bonbons de farine siroté, et de tant d’autres choses empreintes de couleur locale.. Mais depuis qu’on a fait fermer nos usines sucrières, la canne à sucre a presque disparu ; Et, par un processus d’aliénation collective, nous endossons ou nous nous adonnons à tout ce qui vient de l’étranger au mépris des produits nationaux. Dans une tentative d’explication du phénomène Rara qui atteint son pic d’activités et de manifestations populaires dans la nuit du vendredi Saint au samedi dite d’eau bénite, on a fait croire que cette tradition remonte à des gens qui exultaient de joie et étaient épris de grandes réjouissances à cause de la mort du Christ. En fait, quelle est l’origine de cette fête ? Est-elle africaine, européenne ou Haïtienne ?
j’aimerais bien que soient faites à ce sujet des études bien plus approfondies..
Nous regardons aujourd’hui, bien loin derrière nous, toutes ces choses qui rentraient dans notre culture et faisaient partie de nos habitudes, de nos mœurs et coutumes. Et nous nous disons : comme les temps on changé !
Mais de quel temps parlons-nous ? puisque le mot temps en lui-même peut prendre une résonnance et une interprétation différente, dépendamment du sujet que l’on traite et de celui qui en subit les effets..
Du temps qui nous régit, le présent est parfois ce qui importe le plus. Le passée étant bien derrière nous, et peut seulement servir de garde- four, alors que le futur est plus mouvant, plus impondérable que jamais…
Si la vie semble se résumer au présent et que nous n’ayons point d’emprise sur notre passé, nous reconnaissons par contre que le passé nous forge et nous transforme de telle sorte que nos actions présentes ou mieux notre comportement présent, sont toujours le miroir ou le reflet de ce que nous avons vécu tantôt. Nous admettons aussi que chaque vie est singulière, au point que si telle voie empruntée par un individu Lambda lui apporte du bonheur, il n’en sera pas de même à tous les autres qui le suivront ou qui prendront la même route.
On se rend aussi compte quelque fois, du haut des années vécues, que l’on devient comme dépassé par les événements tant ils se succèdent à un rythme effréné. On devient comme usé, fatigué de revoir le même film se dérouler chaque jour sous les yeux. Nous sommes comme suspendus, les pieds dans l’air, sans assise réelle, certains regardant vers le haut, d’autres vers le bas, balayés de tous cotes, tous emportés dans le tourbillon de l’existence où chaque choix semble être une croix, sur la route allant inexorablement vers Golgotha..
RONY Jean-Mary, M.D.
CORALSPRINGS, FLORIDA,
Le 9 AVRIL 2023.